Extrait du journal

C E n'est pas sans une grande émotion que j'ai lu le discours prononce par M. Etienne Lamy à Bouvines. Il diffère des harangues composées avec ennui pour l'accomplissement d'un devoir officiel. On sent que cette page a jailli de l'âme de l'orateur ; elle est toute vibrante de conviction et d'espoir. Et, d'abord, elle projette de (vives lueurs sur l'événement lointain. Si vous demandez à un lycéen quels furent les causes et les résultats de la fameuse bataille, il vous récitera froidement quelques phrases de son manuel. Sous la plume de M. Lamy, les faits s'illuminent, une leçon s'en dégage, qui rattache clairement le présent au passé. Bouvines fut autre chose qu'un massacre. Ce fut une aurore. Les adversaires en présence incarnaient non seulement des intérêts contraires, mais encore, inconsciemment, des idées. Voilà pourquoi cette victoire était grosse de conséquences. Il y avait là des familles, des races ennemies, ayant chacune des dons, des aptitudes, des moeurs qui cherchaient à prédominer. Deux civilisations se heurtaient. D'un côté, le roi mystique, serviteur de Dieu, prosterné devant la croix ; en face de lui, le barbare et somptueux empereur, précédé de l'emblème de la force brutale : un aigle éployé sur un dragon. Avant d'en venir aux mains, Philippe-Auguste bénit ses soldats, Othon fait luire aux yeux des siens l'attrait du pillage. (Je vous renvoie au récit du vieux chroniqueur Guillaume Le Breton, reproduit dans notre dernier numéro.) En ce conflit, se jouaient les destinées du monde. Vaincue à Bou-...