Extrait du journal

DANS l'avant-propos de sa comédie, Ce qu'il faut taire, dont je vous recommande la lecture, car elle contient un tableau très, exact et très piquant des moeurs actuelles, M. Arthur Meyer soulève une question intéressante. Expliquant comment il fut amené à composer cet ouvrage, il écrit: « Je vais presque tous les soirs au théâtre; j'y vais par profession et par goût. Comme la plupart des spectateurs, je suis sincèrement affligé des tendances qui y dominent depuis quelque temps. J'ai voulu, à ma manière, protester. Alors, j'ai fait une pièce où j'ai donné le premier rôle à un personnage qui incarne une idée fort peu à la mode dans la littérature contemporaine: l'idée du devoir. » Remarque fort juste. Pendant vingt ans, le nietzschéisme a influencé nos dramaturges; le nietzschéisme, c'est-à-dire, au sens vulgaire du terme, la philosophie de l'individualisme, de l'égoïsme, de l'épanouissement des instincts, du libre assouvissement des appétits, du « droit au bonheur ». Durant cette période, le théâtre fut non pas précisément immoral, mais amoral. Ces deux mots ne doivent pas être confondus: ils expriment des choses différentes. L'immoralité suppose une intention de provocation, de défi. L'écrivain immoral agit délibérément; il bafoue les lois et les principes qui ne sont pas à son gré. L'écrivain amoral les. ignore. Il est confondu des inquiétudes...