Extrait du journal

CE n'est plus, un mystère... Jean Richepin. se présente aux élections prochaines. Il brigue un siège législatif. Cette nouvelle a causé quelque surprise. Les meilleurs amis de l'illustre écrivain s'en sont émus: « Quoi! vous quittez le paisible royaume des lettres, où vous régnez glorieusement. Vous vous précipitez dans la plus incertaine des aventures. Vous qui n'aviez que des admirateurs, vous aurez des ennemis, On vous déchirera. On vous calomniera. On cherchera des dessous à vos paroles, à vos gestes; on interprétera avec perfidie votre profession de foi; la passion sectaire, la duplicité, l'envie, l'intérêt, se ligueront contre l'artiste imprudent qui sera sorti de sa tour d'ivoire. Que diable irez-vous faire dans cette galère? Réfléchissez, de grâce! » C'est tout réfléchi. Richepin a souri, superbement. Vous pensez bien qu'il ne prend pas à la légère lune telle résolution. Il en a prévu les conséquences. Et, d'abord, il ne compte nullement abandonner la littérature. Cet homme extraordinaire ignore la lassitude et mène de front une infinité de travaux. Simultanémemti, il traduit en vers un drame de Shakespeare, collabore à une comédie de moeurs, prépare des conférences. Dans l'âge mûr, il conserve l'énergie corporelle, la souple activité, l'allégresse et le feu de la jeunesse. Et puis, il aime l'action. Par un singulier phénomène d'atavisme, en lui se réincarne l'âme de ces Grecs, dont il a parlé si éloquemment, et qui chantaient les batailles qu'ils avaient gagnées. Lorsqu'il retrace la vie de Sophocle, on sent qu'il aurait voulu la vivre...