Extrait du journal

flots d'encre ont coulé, cette semaine, autour des incidents de Longchamp. Vous savez de quoi il retourne. C'est un tumultueux épisode de la vie sportive. Ce genre de plaisir a pris, chez nous, un énorme développement, et, dans ce plaisir, il entre autre chose que le divertissement de voir galoper des chevaux et l'hygiénique satisfaction de respirer l'air pur du Bois de Boulogne. Avouons-le: la plupart des gens qui fréquentent aux courses se soucient de la race chevaline comme un poisson d'une pomme et sont fort peu sensibles aux charmes de la nature. Ils viennent là pour un différend. Ce ne sont que des joueurs. Cette détestable passion et les mouvements qu'elle excite dans les âmes qui en sont possédées expliquent les désordres de l'autre Jour. Quel est l'état habituel du joueur? Une sorte de fébrilité dont l'effet est de lui enlever la possession de soi-même. S'il gagne, il éprouve comme un frémissement délicieux de tout son être, un rayonnement intérieur, l'âpre joie du conquérant sous les baisers de la victoire; ses yeux brillent, son coeur a des battements précipités, ses nerfs sont tendus à se rompre. Ils ne sont pas moins exaspérés, en cas de perte. Le joueur malheureux est éminemment irascible. Il en veut à tout le monde: à lui d'abord, car il s'accuse d'avoir manqué de prévoyance et de flair; puis à ceux qui lui ont donné de mauvais « tuyaux »; enfin et surtout, à la Fortune. Il la maudit, l'accable d'invectives. Ça le soulage. Il sait très bien, au fond, l'inanité de ses plaintes, et que la chance est une déesse aveugle aux maux et sourde aux prières des mortels. Mais...