Extrait du journal

LE viens de lire, avec infiniment de plaisir, — et de profit, — le nouveau roman de Marcel Prévost : Monsieur et Madame Moloch. Dans ce beau livre, j'ai retrouvé mes impressions de voyage; j'y ai revu l'Allemagne telle qu'elle s'offre aux yeux du touriste, sous son double aspect : l'Allemagne moderne, hérissée de canons, peuplée d'usines; la vieille Allemagne demeurée traditionnelle et simple de moeurs. Cette dernière exhale un charme inanalysable, dont on ne subit l'effet qu'à la longue. D'abord, elle paraît ennuyeuse; là vie y est fade et monotone; les indigènes sont cérémonieux et endormis; leur lenteur énerve l'étranger, particulièrement le Français, accoutumé à plus de vivacité. Que de fois, assis à une table d'auberge, n'avons-nous pas pesté contre l'apathie de l'hôtelier, le flegme souriant de la servante ! Ces gens ne sont jamais pressés. Inutile de se mettre en fureur. Ils ne se hâtent pas davantage... Sur le moment, nous les accablons d'invectives; puis, rentrés dans la fournaise parisienne, harcelés, surmenés, nous songeons à l'existence paisible qu'ils mènent là-bas, à leurs rues silencieuses, à leurs maisons de bois couronnées de toits pointus, à leurs chopes mousseuses, à leurs tavernes enfumées et cordiales... Bonn, léna, Wetzlar, Heidelberg. Nous avons la nostalgie de ces petites villes, qui ont entre elles un air de cousinage et qui. toutes, ressemblent à l'imaginaire et réelle cité de Rothberg, que Marcel Prévost a si joliment décrite........