Extrait du journal

CETTE fois, on n'éludera pas la question. Mme Curie, compagne et collaboratrice d'un grand savant, grande savante elle-même, se porte candidate à l'Académie des Sciences. On ne saurait écarter, par indifférence ou dédain, une candidature étayée de titres si sérieux. Il faut donc la prendre en considération; si l'on s'y montre hostile, dire pourquoi on la combat, justifier cette résistance, enfin s'expliquer... De toute façon, la discussion est ouverte; infailliblement, elle s'élargira, se généralisera, la presse va s'en mêler, organiser des consultations, des plébiscites, interroger des membres de toutes les sections de l'Institut; car, si le principe est admis, il n'y a pas de raisons pour que la seule Académie des Sciences s'ouvre aux femmes; il y en a d'excellentes pour que celles-ci pénètrent au sein de l'Académie française... Alors, où allons-nous? C'est une révolution dans les usages, dans les moeurs littéraires, dans les traditions. C'est une citadelle à emporter. Et c'est pour le féminisme une victoire d'une importance incalculable. En effet, dès l'instant ou l'« Eve future " se sera installée avec armes et bagages sous la coupole du Palais Mazarin, on jugera illogique qu'elle ne campe pas sous le plafond du Palais-Bourbon et du Palais du Luxembourg; des académiciennes naîtront les députées et les sénatrices; et pourquoi, de ces dernières, ne sortirait-il pas des ministresses, des cheffesses de gouvernement, et même, cheffesse suprême, la cheffesse de l'Etat, une présidente de la République? Vous voyez les conséquen-...