Extrait du journal

femmes et les enfants, et, ce devoir rempli, les places étant occupées, il se résigne virilement à la mort. Sur le pont du Titanic agonisant, on a vu toutes ces choses. Quelques scènes..,, de sauvagerie s'y sont déroulées, et c'était inévitable. Mais que d'actes superbes rachètent ces défaillances!... Depuis huit jours, les dépositions des témoins, les confidences des rescapés se succèdent, et chacun de ces récits nous arrache des cris de stupeur et d'admiration. Le télégraphiste Philipps, transi de froid, à demi noyé par l'eau qui envahit sa cabine, continue obstinément à envoyer au loin des signaux, hélas ! infructueux; il résiste à la voix du capitaine, il ne consent pas à abandonner son poste. Le colonel Astor s'arrache des bras de celle qu'il aime; il n'a pas d'illusion, il sait qu'il la quitte pour jamais; et, soucieux d'adoucir ce déchirement, il lui murmure des mots d'espoir, il sourit. Il pourrait la suivre: on ne refuserait pas, sans doute, de le laisser à bord de l'embarcation où il s'est d'abord réfugié avec elle ; mais, à la première Observation de l'officier, il s'incline, il descend, et sans une plainte, comme tin soldat, il reste sur le vaisseau qui va s'engloutir. Cette soumission silencieuse à la règle est d'une suprême élégance... Elle caractérise, d'une façon générale, la fin de ces hommes, jusqu'au dernier moment, ils se sont montrés dociles, disciplinés. Matelots ou passagers — tous ou presque tous — ont fait leur devoir, intrépidement, galamment. Pas de protestations... Pas de révolte... Vous lirez plus loin le récit de ce qui se passa, en 1816, parmi les naufragés du radeau de La Méduse. Ce fut atroce. Sur Le Titanic, le supplice a duré moins longtemps, il est vrai, mais il à été supporté avec une fermeté stoïque Jamais plus belle victoire ne fut remportée sur la nature....