Extrait du journal

hommes étaient massacres, une maison de banque cambriolée, et que les meurtriers, fuyant dans un auto (un auto dérobé, naturellement), avaient disparu devant les gendarmes, impuissants et stupéfaits. Oui, cet acte de brigandage m'a empli de joie. « La mesure est comble, me dis-je. Peut-être la presse finira-t-elle par prendre conscience de ses responsabilités et fera-t-elle, désormais, un peu moins de réclame aux criminels. » J'ai parcouru les journaux. Ils s'élevaient contre la faiblesse et le manque de vigilance de la police; ils stimulaient l'activité de M. Lépine. Mais, à côté de ces conseils, excellents en soi, ils publiaient un récit minutieux, pathétique, complaisamment détaillé, abondamment illustré du triple assassinat. Des plans indiquaient le lieu où le drame s'était passé; autour de cette carte géographique, s'échelonnaient les victimes,-. le cadavre du chauffeur, le cadavre du caissier, — puis, en belle page, apparaissaient les têtes des coupables présumés, des bandits de la rue Ordener, autour desquels se forme actuellement une légende de mystère et de terreur. Nos distingués confrères, si prompts à accabler M. Lépine, ne se doutent pas qu'ils paralysent son effort en multipliant, par !une propagande incessante, le goût, l'odeur, l'atmosphère, la curiosité du crime. Voilà, comme l'indiquait Me Henri-Robert dans son éloquente conférence des 'Annales, l'origine du mal, sa source profonde. Le fait-divers nous hante, nous per-...