Extrait du journal
La revue de l’armée de Paris par le maré chal de Mac-Malion en l’honneur du shah de Perse, demeure un gros événement. Deux ans se sont écoulés depuis la revue passée au lende main de la victoire contre la Commune. Alors on semblait défiler sous le regard jaloux des vainqueurs étrangers cantonnés non loin de là. Jeudi, à la veille de l’entière libération du ter ritoire, notre brave armée paraissait en posses sion d’elle-même et passait sérieuse et forte devant son chet illustre et devant l’hôte royal de France. Le Journal officiel constate que « S. M. le shah a adressé ses remerciments et ses félicitations au président de l’Assemblée nationale. Il lui a dit combien l’éclat de cette revue l’avait frappé ; combien il avait admiré le défilé auquel il venait d’assister. Les troupes, a ajouté Nasser-Eddin, étaient aussi belles que nombreuses, et dignes des généraux et du maré chal qui les commandaient. » M. Drouyn de Lhuys, dans l’audience qu’il a eue, ces jours derniers, du shah de Perse, disait au roi, en faisant allusion à l’état du ciel et de la France : « Le temps est encore couvert, mais le soleil commence à reparaître. — Oui, répondit Sa Majesté, le soleil aura bientôt dissipé tous vos nuages. J’en avais toujours le désir ; depuis que je vois votre pays, j’en ai la ferme con fiance. » Nasser-Eddin ne s’occupe pas d'habi tude de politique. Paris-Journal nous y rap pelle indirectement, en ces lignes fort sen sées Oui, nous avons de belles et bonnes troupes, peut-être n’en eûmes-nous jamais de plus belles. Oui, l’âme s’épanouit à la vue de ces braves soldais et de ces nobles chefs qui vien nent de défiler au bruit de nos applaudissements, d’un air à la fois si fort et si soumis. Nos dia mants à nous, pouvons-nous dire au roi de Perse, tout étincelant du feu de ses écrins, ce sont nos régiments et nos escadrons, et je suis sur qu’en les voyant passer devant votre tribune royale, vous avez dû vous demander comment une pareille armée avait pu être vaincue si cruel lement? Notre chère France serait vraiment la première nation du monde, si l’on n’y cultivait à tort et à travers cette plante vénéneuse : la politique, dont l’usage a tout gâté chez nous, le mérite des hommes et la valeur des choses. C’est grâce à l’empoisonnement de la nation par la politique que la guerre de 1870, commencée dans de mauvaises conditions, s’est achevée dans de pires ; c’est la politique, trop souvent syno nyme en France de révolution, qui a paralysé les bras des excellentes troupes et des chefs dévoués qui restaient à la France, même après les premières défaites et jusqu’au 4 Septembre. C’est la politique à l’état de fièvre et de folie qui nous a donné les bouffonneries sanglantes et les bouffissures ruineuses de la dictature Gambetta, aussi bien que les langueurs du pâle gouverne ment Trochu. C’est la folie devenue furieuse de la politique démagogique qui, un peu plus tard, allumait les torches de la Commune et réduisit cette brave armée, à peine revenue de captivité, à délivrer Paris, dans des flots de sang, d’une domination plus dure encore peut-être et plus humiliante que les prisons allemandes. Je lisais dernièrement, dans le Journal des Débats, je crois, feuille peu suspecte de réaction, que le shah, notre hôte, en passant sur la place Ven dôme, encore veuve de sa colonne, et devant les débris de nos palais incendiés, était sorti un instant de son impassibilité orientale pour s’écrier :
À propos
Fondées en 1843, Les Tablettes des Deux-Charentes furent une parution bihebdomadaire (puis trihebdomadaire) vendue dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. Le journal disparaîtra un siècle plus tard, en 1944.
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