Extrait du journal

La récente grève de l’électricité a été très instructive ; non qu’elle ait pu rien apprendre à tous ceux qui, depuis plusieurs années, se sont donné la peine de voir et d’écouter, mais elle a forcé les aveugles vo lontaires et les indifférents à regar der et à constater. Il est extraordinaire combien il y a des gens qui se sont décidés à voir clair précisément quand la lumière de l’électricité leur a été refusée. Cette dernière grève a eu une fort mauvaise presse. Est-ce bien parce qu’il s’agissait de l’arrêt d’un service public ? On serait tenté de penser que des journaux, qui n’avaient jusqu’ici pour les grévistes les plus violents qu’indulgence et encouragements, ont trouvé fort inconvenante une grève qui lésait leurs propres in térêts. Depuis des années on juge fort naturel que des ouvriers cessent brusquement leur travail, parfois même sans se donner la peine de formuler leurs revendications ; le sabotage a rencontré des apologistes imprévus dans les organes les moins révolutionnaires ; les pires violences, les attentats criminels ont été considérés comme des diver tissements légèrement irréguliers ; on s’est à peine ému quand patrons et ingénieurs ont été menacés ou frappés. On a estimé que la grève avait pour corollaire une pression un peu brutale exercée contre les travailleurs assez « fainéants » pour songer au pain de leurs enfants, et ces derniers temps il était question de supprimer ou de modifier l’ar ticle 414 du Code pénal, qui consacre le droit au travail et punit (en attendant les amnisties) les entraves apportées à ce droit. Tout à coup on s’effare ; on voit enfin — ce qui est exact— dans cette grève si soudaine, si peu justifiée, une sorte de répétition générale du grand chambardement, une manœuvre d’entraînement. Les membres de la Confédération géné rale du Travail le proclament avec orgueil : l’expérience a bien marché....