Extrait du journal

La rencontre de l'empereur d'Allemagne et de l'empereur de Russie dans les eaux finlandaises ne devrait pas provoquer en France les commentaires exagérés qui se donnent jour. Car elle est simplement une nouvelle manifestation de la traditionnelle intimité des Romanof et des Hohenzollern et elle ne peut avoir de répercussion d'aucune sorte sur la politique internationale, en ce qui concerne les deux groupements qui assurent l'équilibre européen la Triplice d'un côté, et, de l'autre, l'alliance franco-russe qui s'est fortifiée d'une entente de ces deux puissances avec l'Angleterre. Guillaume II peut rencontrer aussi souvent qu'il voudra son ami personnel le tsar et échanger avec lui des selles de prix et des tabatières pour enrichir sa collection de Postdam, qui remonte au Grand Frédéric, ce sera une preuve de plus que les petits cadeaux entretiennent l'amitié, mais l'entente russo-franco-anglaise et encore moins l'alliance franco-russe n'en seront pas pour cela menacées. De même Edouard Vil a pu rendre visite au roi d'Italie sans mettre en péril la Triplice, les alliées ennemies, l'Italie et l'Autriche, s'en chargeant d'ailleurs bien elles-mêmes. Les relations des puisances entre elles sont aujourd'hui déterminées par des raisons permanentes qui ne sont pas à la merci d'un voyage de souverains. La presse russe a pris un soin particulier à nous rassurer sur la portée de l'entrevue de Libau. « Dans notre histoire contemporaine, dit le Journal de Saint-Pétersbourg, peu d'entrevues de souverains ont eu une réelle importance. La plus mémorable d'entre elles, la seule qui ait fait époque, c'est l'entrevue de Cronstadt où, aux sons de la Marseillaise, fut annoncée l'alliance francorusse. » Cette opinion est celle du peuple russe nous en sommes confirmés par cette déclaration de la Rietch, organe de la majorité de la Douma, qui contient in cauda une allusion assez transparente aux sentiments que nourrissent l'un pour l'autre le peuple russe et le peuple allemand....