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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, 19 décembre 1864

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Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire
19 décembre 1864


Extrait du journal

rez ce que je suis venue faire ; permettez-moi d’employer ce quart-d’heure à dire à madame ce que je veux qu’elle sache. — Je vous écoute, mademoiselle, dit Suzanne d’une voix tremblante. Mencia reprit la parole après un moment de silence. — Madame, dit-elle, il était pauvre, il était misérable en ce temps-là ; nous habitions l’un et l’autre la pins hideuse maison d’une des plus hideuses rues de Paris, des mansar des où le jour se glissait, pâle et blafard, comme un malade qui agonise, où les fleurs mouraient faute d’air, où jamais ne se montrait un rayon de soleil ; eh bien, madame, notre amour avait fait de ce bouge odieux un paradis tout rayon nant de lumières, de parfums et d’air pur. C’est que je ne voyais la vie qu’à travers son âme comme il la voyait luimême à travers mon cœur ; c’est que la flamme qui brûlait en nous épurait et vivifiait tout autour de nous. Venue d’un pays éloigné, ignorante et sauvage, ne soupçonnant rien de la vie civilisée ; ce fut lui qui fit pénétrer peu à peu dans les limbes obscures de mon esprit les lumières qu’il possédait lui-même : il les transfusait en moi et je les aspirais avec son à me. J’appris avec lui à comprendre et à sentir ; il a pétri à la fois mon cœur et mon intelligence ; enfin il a fondu en moi une partie de lui-même, il a pénétré toutes mes facultés comme le soleil pénètre et embrase l’atmosphère. Comprenez-vous maintenant, madame, quelle est la force de l’amourqu’il m’a inspiré, la puissance des mille liens qui m’attachent à lui et que la mort seule peut briser, car ils font partie de mon être? Hors un vieux musicien qui. lui aussi, faisait jaillir de mon cœur tout un monde de poésie, je ne voyais et n’entendais que lui au monde; l’univers, c’était pour moi ma mansarde et lui, mon esprit ne rayonnait qu’au souffle de son esprit ; enfin il m’apportait la vie, et toutes mes facultés se dilataient à son seul contact comme la nature au contact de la lumière. Puis le jour vint où le mot amour fut prononcé par nos deux bouches à la fois. C’était la nuit ; nous causions à voix basse au fond de la mansarde, plongée dans u ie obscurité profonde, et dont la fenêtre '•uverte était éclairée par un rayon de lune qui l’enveloppait d’une lumière bleuâtre. De quoi parLons-nous ! je ne sais, mais ce que je sais bien, ce que je vois ce que je sens encore à cette heure, c’est le sentiment délic’eux qui nous envahit subitement l’un et l’autre, épanouissant noire cœur comme une fleur qui s’ouvre et exale son premier parfum, arrêtant la parole sur nos lèvres brûlantes, qui, après un silence plein de troubles et d’éblouissements inexprimables, murmurèrent tout bas ces seuls mots : Je t’aime....

À propos

Fondé en 1845, le Mémorial judiciaire de la Loire est, comme son nom l’indique, un journal judiciaire. D’abord hebdomadaire puis quotidien, il est rebaptisé L’Avenir républicain en 1848, puis L’Industrie en 1852, puis le Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire en 1854, nom qu’il raccourcit quelques quatre-vingt-ans plus tard en Le Mémorial. Collaborationniste, le journal est interdit en 1944.

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