Écho de presse

"Au nom du Péret, du fisc et du Saint-Oustric" (2/2)

le 28/05/2018 par Marina Bellot
le 30/03/2017 par Marina Bellot - modifié le 28/05/2018
Illustration : L'affaire Oustric aux Assises ; Agence Meurisse ; 1931 - Source : BnF Gallica

La faillite frauduleuse de la banque Oustric aboutit à l'acquittement du garde de Sceaux Raoul Péret et à une condamnation clémente d'Albert Oustric.

En 1929, alors que la crise boursière mondiale fait chuter les cours des prix des matières premières, la banque Oustric & Cie est déclarée en faillite, laquelle s'avère frauduleuse. Une faillite qui éclabousse le monde politique (voir notre premier volet sur l'affaire).

On découvre en effet que le garde des Sceaux Raoul Péret a été avocat-conseil d'Oustric et que ce sont des interventions politiques qui ont permis la cotation d'une de ses sociétés italiennes. Le scandale est énorme.

Le 21 novembre 1930, la Chambre des députés décide de nommer une commission d'enquête chargée d'élucider "toute intervention abusive de la finance dans la politique et de la politique dans l'administration de la justice".

En parallèle, la déconfiture de la banque Oustric provoque une vague d’inquiétude chez les petits épargnants, que le gouverneur de la Banque de France tente de dissiper dans L’Écho de Paris :

"Un certain nombre de banques, la plupart parmi les plus sérieuses et les mieux gérées, ont été brusquement discutées, sans qu'on ait pu retrouver l'origine des bruits tendancieux et absurdes lancés à leur sujet, et on a constaté toute la semaine dernière d'importants retraits de dépôts que la situation ne justifiait aucunement. C'était une sorte de vague générale de mefiance, inexpliquée, irraisonnée, un accès de nervosisme aussi étrange que non fondé. Un rappel au sang-froid est nécessaire. L'organisation bancaire en France est, d'une manière générale, d'une solidité à toute épreuve, et les principes les plus sains dirigent son activité."

Le 25 mars 1931, la Chambre prononce la mise en accusation de Raoul Péret. Le procès, largement suivi et commenté par la presse, débute en juillet 1931. Raoul Péret fait notamment valoir qu'il a retardé l'inculpation d'Oustric dans le seul but de protéger les épargnants français en évitant d'aggraver la débâcle menaçant la banque. L'ancien ministre assure de sa probité sans faille, comme rapporté dans L'Ouest-Éclair :

"Je n'ai jamais eu, au cours de ma carrière, de défaillance. Mes collègues de la Chambre qui me connaissent peuvent en témoigner. Et j'aurais failli, à soixante ans, moi qui ne suis pas un homme d'argent ? Allons donc, nul ne le croira !"

Le 23 juillet 1931, la Haute Cour se réunit en chambre du conseil pour délibérer. Et c'est l'acquittement de Péret qui est prononcé. L'Écho de Paris, comme d'autres journaux, déplore cette décision :

"L'arrêt d'hier n'est pas le jugement d'un tribunal, mais celui d'une assemblée politique ; il reflète non pas l'opinion sereine de juges impartiaux, mais l'indulgence de la camaraderie."

Les chansonniers s'en donnent à cœur joie et se signent "au nom du Péret, du fisc et du Saint-Oustric."

Oustric, lui, est condamné le 5 janvier 1932 à 18 mois de prison et 3000 francs d'amende pour les irrégularités des opérations effectuées sur les titres d'une de ses sociétés.

Reste un passif cumulé d'1,5 milliard de francs de la banque Oustric & Cie et de ses filiales, qui mit plusieurs décennies à être apuré. 

Retrouvez notre premier volet consacré à l'affaire Oustric.