Les derniers instants de Mata Hari
Mata Hari, de son vrai nom Margaretha Geertruida « Grietje » Zelle, est née en 1876 à Leeuwarden, aux Pays-Bas. Après avoir vécu quelque temps avec son mari et leurs deux enfants à Java, elle retourne en Europe où elle devient danseuse exotique et courtisane. Ses conquêtes et son mode de vie flamboyant lui valent la célébrité.
C'est en 1916 qu'elle devient espionne pour le compte des services secrets français, sa nationalité néerlandaise lui permettant de franchir librement les frontières d'une Europe alors déchirée par la guerre. Mais le 13 février 1917, elle est arrêtée à Paris par l'armée française : on l'accuse d'intelligence avec l'ennemi. Les mutineries se multiplient au front et la France exige des coupables. Après un procès sommaire qui la désigne comme l'agent allemand « H-21 », elle est condamnée à mort. Elle sera fusillée le 15 octobre, à Vincennes.
Pendant ses huit mois de détention, Léon Bizard, médecin-chef de la préfecture de police, lui a rendu visite chaque jour dans sa cellule. Il a aussi assisté à ses derniers moments : en 1934, il les raconte dans Paris-Soir.
« Peu à peu, le visage de Mata-Hari prend une expression dure et coléreuse, alors tandis qu'on lui passe ses vêtements, elle ne va plus cesser de monologuer :
— Oh ! ces Français ! À quoi ça va leur servir de m'avoir tuée, si encore ça leur faisait gagner la guerre. Ah ! Ils verront ! C'était bien la peine que je fasse tant pour eux. Ma sœur, je voudrais qu'on me donne ma robe la plus chaude car il fait froid ce matin. Je veux aussi mes petits souliers. J'ai toujours aimé être bien chaussée. »
"Mais la porte s'ouvre ; le pasteur sort les yeux embués de larmes et nous invite à rentrer. Mata bien droite, sans soutien, l'air altier paraît vraiment nous recevoir. Revêtue de sa robe tailleur bleue, à longue jaquette bordée de blanc, son chapeau canotier sur la tête, elle se gante posément.
— Je suis prête, dit-elle avec assurance.
Puis s'adressant à la sœur Léonide :
— J'ai beaucoup voyagé ma sœur, eh bien ! cette fois, c'est mon dernier voyage. Je pars pour la grande Gare, mais n'en reviendrai pas. Allons, voyons, faites comme moi petite Mère, ne pleurez pas !"
Amenée au poteau d'exécution, elle refuse le bandeau.
"Le peloton d'exécution, composé de douze chasseurs à pied, quatre soldats, quatre caporaux, quatre sous-officiers, est à dix mètres d'elle. Mata-Hari sourit encore à sœur Léonide agenouillée et fait un geste d'adieu. L'officier commandant lève son sabre. Un bruit sec et la Danseuse Rouge s'écroule tête en avant, masse inerte qui dégoutte de sang."
Une légende raconte qu'elle aurait jeté un baiser aux soldats avant qu'ils ne fassent feu.