La mode des vampires en 1820
Au début du XIXe siècle, les vampires sévissaient déjà massivement, au théâtre et dans la littérature. Au point d'agacer certains critiques.
Des années avant l'invention du cinéma, les vampires étaient déjà bien présents dans les esprits occidentaux. La Gazette rapporte ainsi, en 1770, le cas d'une ville de Moldavie touchée par la peste et en proie à un accès de vampirisme, "des imposteurs ayant persuadé à des gens du bas Peuple qu'un moyen sûr de préserver de la contagion était d'arracher des dents à des cadavres pestiférés et d'en sucer le sang".
À la fin du XVIIIe siècle, des poètes allemands comme Goethe ou Ossenfelder s'inspirent dans leurs écrits de cette croyance populaire venue d'Europe de l'Est. Mais c'est la nouvelle de John William Polidori, The Vampyre, sur une idée de Lord Byron, qui, en 1819, popularise le thème du buveur de sang revenu d'entre les morts.
Suite à son succès, les romans, nouvelles et pièces de théâtre sur les vampires se multiplient. Le 26 juin 1820, à l'occasion de la représentation du Vampire de Charles Nodier au théâtre de la porte Saint-Martin, Le Constitutionnel rend compte de cette tendance :
"Savez-vous ce que c'est qu'un vampire ? C'est un être imaginaire de la plus bizarre et de la plus épouvantable espèce. Il est mort, mais il revoit la lumière, et il possède le privilège de se survivre à lui-même en s'abreuvant du sang d'innocentes victimes […]. Les vampires vont pulluler sur nos divers théâtres. On en a joué un second au Vaudeville, et les Variétés préparent le leur pour la semaine prochaine."
Le Journal des débats politiques et littéraires renchérit :
"On ne voit plus que des Vampires sur les affiches de spectacles. Au Vaudeville, le Vampire amoureux revient tous les soirs ; aux Variétés, les Trois Vampires ont failli redescendre dans la tombe le jour même où ils en sont sortis."
La même année, dans le même journal, un critique s'agace franchement de cette mode :
"On ne conçoit pas comment il se fait que des Vampires puissent avoir une vogue semblable ; si le public continue à se passionner pour des fables aussi extravagantes qu'elles sont épouvantables et bizarres, s'il ne se lasse pas bientôt de l'horrible intérêt que présentent des caractères et des peintures qui paraissent appartenir à un monde infernal, il n'est pas douteux que les éditions de Lord Ruthwen [la nouvelle de Polidori] ne se succèdent avec rapidité. C'est un malheur que déploreront tous les amis de la littérature ; et ce malheur est d'autant plus grand que nous avons des Vampires au moins pour longtemps."
Pour longtemps ? Il ne croyait pas si bien dire. En 1897, le Dracula de l'Irlandais Bram Stoker allait installer définitivement le vampire dans le paysage culturel. Le cinéma, avec des films comme Nosferatu de Murnau, fera de lui une des grandes figures de l'imaginaire moderne.