L'affaire Violette Nozière (1/3)
En 1934, une jeune parricide de 18 ans est condamnée à mort à l'issue d'un procès qui a déchaîné la presse et l'opinion.
"Condamnée à mort". Le 13 octobre 1934, la sentence s'inscrit en grosses lettres à la une des journaux français, comme ici dans Paris-Soir.
C'est l'épilogue (provisoire) d'une affaire qui vient de défrayer la chronique des mois durant. À 18 ans, Violette Nozière est jugée pour avoir empoisonné son père et tenté d'empoisonner sa mère. La jeune femme accuse son père d'incestes répétés. "Sa mort seule pouvait me délivrer de lui", déclarera-t-elle.
L'opinion est sous le choc. Dans le contexte d'affrontement entre droite et gauche, l'affaire est très vite au centre des débats. La droite voit dans Violette Nozière le symbole d'une jeunesse d'après-guerre dévoyée, fait appel à l'ordre moral et au retour des valeurs. La presse conservatrice se déchaîne, publiant une surenchère d'informations. Les tirages des quotidiens augmentent : Violette Nozière fait vendre.
Le 10 octobre 1934, le procès s'ouvre à Paris devant la cour d'assises de la Seine. La foule envahit le tribunal.
Violette Nozière est accusée d'avoir "le 23 mars 1933, tenté de donner volontairement la mort à ses père et mère légitimes par l'administration de substances susceptibles de la donner plus ou moins promptement et le 21 août 1933, volontairement donné la mort à son père légitime et tenté de la donner à sa mère légitime par les mêmes moyens".
"Violette Nozière est entrée. Grande, vêtue de noir, collet de fourrure, exactement semblable aux portraits qu’on a donnés d’elle. Ni laide ni jolie. Le visage est ovale, d’une paleur mortuaire impressionnante ; le nez trop long, les sourcils sont épais. Les yeux noirs, quand elle ne les tient pas baissés, semblent fuir ; si parfois ils se fixent, on les aperçoit durs et mauvais. [...]
Pas un seul moment d'émotion vraie ; pas un cri de repentir, un de ceux qui attirent la pitié même sur les pires criminels, lorsqu'ils sont sincères. Ici, rien. Mais il ne faut pas oublier que cette insensibilité est classique chez l'empoisonneuse.
Le Matin, Le Petit Journal, Paris-Soir... Tous publient de violentes charges contre l'accusée. Ses mœurs supposées légères sont mises en avant. La question de l'inceste n'est jamais clairement abordée.
Dans Paris-Soir, on peut lire :
"Assez de crimes impunis, assez d'indulgence, assez de circonstances atténuantes, assez de ces meurtriers dont on fait des vedettes, assez de ces instructions qui traînent ! Il a fallu un an pour faire asseoir cette Violette Nozière sur le banc des accusés. Un an ! [...]
Cette reine du pavé m'a l'air d'une bonne sans place, même pas : d'une boniche endimanchée qui ne possède dans son sac que de mauvais certificats.
Son père a abusé d'elle ? Si cela était, elle a tué.
Elle a tué, tout le reste n'est que littérature."
L'avocat général Gaudel requiert la peine capitale, comme le rapporte Le Journal :
"« Le crime de Violette Nozière est de ceux qui écartent de la pensée et du cœur la moindre pitié et la moindre indulgence. Quand nous aurons parcouru ensemble le cycle de cette horrible tragédie je vous demanderai, MM. les jurés, de prononcer la peine capitale contre la misérable fille qui non contente de tuer, a déversé sur la tombe de sa victime, de son père, le flot immonde des calomnies et des mensonges créés par sa perverse imagination. »
Devant nos yeux, le magistrat, décrivant la « vie de débauche et de stupre » de Violette Nozière, va faire passer les silhouettes dessinées de main de maître des amants les plus connus de l'accusée."
Le 12 octobre 1934, après seulement une heure de délibération, Violette Nozière est condamnée à la peine de mort pour parricide et empoisonnement, sans aucune circonstance atténuante.
Retrouvez le second et le troisième volet consacrés à l'affaire Violette Nozière.