« L'horrible forfait » des sœurs Papin (1/2)
En 1933, deux sœurs employées de maison sont arrêtées et mises en examen pour le double meurtre de leur patronne et de sa fille. Retour sur une affaire devenue mythique.
Deux criminelles, deux victimes, un double meurtre d'une violence inouï apparemment sans motif. Le 4 février 1933, la France découvre à la Une de la presse un fait divers tragique et peu banal : Christine et Léa Papin, deux employées de maison, viennent d'être arrêtées au Mans pour le double meurtre de leurs patronnes survenu deux jours plus tôt.
"Sans montrer le moindre regret, les deux meurtrières ont retracé la scène sanglante", rapporte L’Intransigeant.
"Lorsque les policiers pénétrèrent dans la chambre où elles étaient couchées, les sœurs Papin déclarèrent : — On vous attendait. Près d'elles se trouvait le marteau qui leur avait servi à frapper mortellement Mme et Mlle Lancelin. L'aînée des deux meurtrières, Mlle Christine Papin, 27 ans, entra aussitôt dans la voie des aveux. Quant à sa soeur Léa, âgée de 21 ans, qui paraissait sous la domination de sa sœur aînée, elle ne dit mot. On les fit s'habiller. Elles refusèrent et suivirent les policiers vêtues d'un simple peignoir et nus pieds dans leurs savates. On retrouva sous le lit les vêtements ensanglantés. [...]
Christine Papin déclara : — Ma patronne m'avait fait des remontrances à cause d'un fer électrique à repasser et que j'avais abîmé. Elle a fait un geste vers moi. Je me suis jetée sur elle, je lui ai arraché les deux yeux avec mes doigts et je suis alors descendue à la cuisine, où j'ai pris un marteau et un couteau de cuisine avec lesquels, ma sœur et moi, nous avons frappé nos deux patronnes."
Même récit des faits à quelques nuances près dans L'Echo de Paris :
"Le prétexte d'une lutte suivie d'un double assassinat a été fourni à Christine Papin et à sa sœur par une observation de Mme Lancelin qui, rentrant à son domicile, avait constaté qu'un plomb de la canalisation électrique venait de sauter. — Elle eut l'air de vouloir se jeter sur moi, a dit Christine Papin, alors j'ai pris les devants et j'ai tapé dur. Lorsque je suis remontée avec le marteau, elles étaient encore étendues sur le parquet. Et Christine Papin a ajouté : « Je leur ai arraché les yeux » En effet, on a trouvé un oeil sur une des marches de l'escalier."
Entouré de mystère, "l’horrible drame du Mans" passionne la France. Pourquoi un tel déchaînement de haine ? Les deux sœurs sont-elles folles ? Ou sont-elles plutôt les victimes exemplaires de la lutte des classes ?
Des couches populaires aux milieux intellectuels, chacun se forge une opinion sur l'affaire.
Après vingt-cinq semaines d'instruction, un procès hautement médiatisé doit apporter des réponses à ce crime apparemment sans mobile.
Retrouvez le second volet de notre série sur les sœurs Papin.