Fraudes alimentaires à la une
La récente affaire des œufs contaminés s’ajoute à la longue liste de scandales alimentaires de ces dernières années. Loin de se réduire à une préoccupation contemporaine, la question de la qualité de la nourriture fut l’objet, au début du XXe siècle, d’un vaste débat de part et d’autre de l’Atlantique, comme nous l'explique l'historien Dominique Pinsolle.
Le 1er août 1905, l’adoption de la loi sur la répression des fraudes en France s’inscrit dans la continuité de multiples polémiques auxquelles la presse a souvent pris part. En janvier 1902, par exemple, le quotidien Le Matin a mené une campagne retentissante contre le "lait frauduleux", et a même lancé une éphémère "Ligue de Défense de la vie humaine" :
"Contre le syndicat de la falsification et de l’empoisonnement, il faut dresser la Ligue de Défense de la vie humaine. Contre le groupement des malfaiteurs de tout acabit, il faut dresser le groupement des honnêtes gens de toute classe, depuis les plus fortunés jusqu’aux plus pauvres. […] Cette ligue n’aura pas d’autre mission que de prendre en main la défense de ses membres. Un échantillon quelconque de lait lui sera-t-il apporté par la grande dame qui descend de son coupé ou par l’humble ouvrière qui sera venue de loin, son enfant entre ses bras, l’échantillon sera analysé. S’il est mauvais, fût-il seulement d’un degré au-dessous de la normale, la Ligue poursuivra les coupables."
Mais le vote de la loi ne suffit évidemment pas à améliorer sur-le-champ la situation. Au sein de la Confédération Générale du Travail (CGT), le secrétaire de la fédération de l’Alimentation, Amédée Bousquet, dénonce les falsifications les plus courantes à travers une série d’articles publiés dans La Voix du Peuple en août-septembre 1906. Tout y passe : le pain, le vin, le café, les gâteaux, les bonbons…
Henri Géroule, dans L’Humanité, lui emboîte le pas pour dévoiler les pratiques peu ragoûtantes de nombreux restaurants parisiens : restes de fruits de mer laissés par les clients réutilisés dans la prétendue "bisque d’écrevisse", cabillaud ou colin maquillé en barbue… Quant aux bouchées à la reine :
"Si le maître d’hôtel insiste, c’est qu’il a à écouler un vieux stock de veau froid et défraîchi, qui encombre le garde-manger et qui, haché menu, remplace avantageusement, pour la bourse du patron, les filets de volaille absents de votre bouchée. Ils lui donnent, a...
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