Les Devil Dogs, l'armée américaine de la Grande Guerre
Le 1er juin 1918, l'American Force livre son premier engagement face à l'armée allemande. Les soldats américains vont faire dans le sang leur baptême du feu et gagner un surnom sans équivoque, les « Devil Dogs ».
Fin mai 1918, entre Reims et Noyon, l'armée allemande déclenche une offensive de grande ampleur à partir du Chemin des Dames, sur un front d'une cinquantaine de kilomètres.
Avec trente divisions dirigées par le général Oskar von Hutier, les troupes du Kaiser réussissent à reprendre Château-Thierry et à percer les lignes françaises en profondeur. C'est la panique. L'état-major allié ordonne de tenir coûte que coûte et de bloquer par tous les moyens la route de Paris.
Le 31 mai, la Second Indianhead Division, composée de 30 000 soldats américains, reçoit l'ordre de former une ligne défensive en contrebas de Château-Thierry.
Avec ce premier engagement décisif pour les troupes commandées par le général Pershing, les Français découvrent avec curiosité ces jeunes soldats venus d'outre-Atlantique, dont les chefs invoquent le souvenir de La Fayette et leur dette éternelle envers la France.
Dans son édition du 24 juin, le quotidien Le Temps revient sur les premières heures de la bataille.
« Le 2 juin, la nouvelle circule dans les rangs français et apporte un réconfort moral qu'il est facile d'imaginer : “Les Américains sont enfin là !” En effet, les bataillons américains ont débarqué depuis le 31 mai dans la région à l'ouest de Château-Thierry. […]
Les Américains vont à la bataille avec enthousiasme. Les officiers et les hommes répètent l'ardente parole du président Wilson qui est devenue leur mot d'ordre : “Tout pour la France”. »
Dès le 5 juin, appuyée par plusieurs régiments de Marines, la Second Indianhead Division prend position dans le Bois Belleau, où les combats se sont cristallisés. Au soir de cette même journée, les dernières unités de la 43e division d’infanterie française battent en retraite et rejoignent les lignes américaines.
Désabusés, les officiers français demandent à leurs homologues yankees de battre eux aussi en retraite. Héroïque, le capitaine Lloyd Williams prononce alors ces paroles qui deviendront célèbres : « Battre en retraite ? Mais nous venons tout juste d’arriver ! »
Le lendemain, les 4e, 5e et 6e régiments de Marines reçoivent l'ordre de reprendre la ville de Bouresches et le secteur sud du bois. Pour atteindre cet objectif, le 6e régiment de Marines doit progresser à découvert sur plusieurs centaines de mètres dans un champ de blé. De l'autre côté, les Allemands sont retranchés, protégés derrière leurs nids de mitrailleuses.
Les Américains tombent massivement sous les balles allemandes, les blés deviennent « rouges de sang ». Malgré les lourdes pertes subies par le 6e régiment, la ville de Bouresches ainsi qu'une petite partie du bois sont reprises. Les yankees progressent lentement mais sûrement.
Le 10 juin, la partie sud du bois est définitivement reconquise. Face à une farouche résistance allemande, les Marines sont montés à l'assaut appuyés par un bataillon de mitrailleuses. Après deux jours ponctués par de nombreuses offensives, les Allemands se retirent.
Le 11 juin, les combats atteignent leur paroxysme. Pour reprendre la partie ouest du bois, les Marines du 5e régiment chargent à la baïonnette et enlèvent un à un les nids de mitrailleuses de l'ennemi, achevant les combats au corps à corps. Dans la soirée, les troupes du Kaiser ne sont plus maîtres que de la partie nord du Bois Belleau – qu'ils vont réussir à conserver pendant encore quatorze jours.
Au matin du 23 juin, les Marines lancent une offensive afin d’encercler les dernières unités allemandes. Le 25 juin, après un pilonnage d’artillerie intensif de quatorze heures, les défenses allemandes cèdent enfin. À 23h30, la bataille du Bois Belleau est définitivement gagnée par les américains.
Dans son édition du 24 juin, Le Matin évoque en des termes élogieux ces combattants américains qui ont mis un coup d'arrêt à l'offensive allemande :
« Les bataillons américains se jettent dans le combat, exemples de courage et de vaillance, apportent leur concours aux alliés, arrêtent à la Marne et à l'Ourcq les hordes allemandes, qui voulaient, sur Paris magnifique, continuer le cours de leurs abominables forfaits. »
Quelques jours après la victoire du Bois Belleau, les Américains achèvent de sécuriser leurs positions dans le secteur. Le quotidien La République française précise dans son édition du 29 juin :
« Les Américains viennent à nouveau à l'ouest de Château-Thierry de réussir une petite action locale qui leur a permis d'achever l'occupation du Bois de Belleau et d'avancer leur ligne vers Torcy. »
La bataille de « Belleau Wood », célébrée depuis 1918 par les unités de l'United States Marines Corps stationnées en France, est encore aujourd’hui considérée comme le premier engagement majeur de la part des Marines.
Elle aura coûté la vie à 1 811 jeunes Américains.