François Mauriac journaliste à l'Écho de Paris
L'écrivain, pourfendeur de la bourgeoisie et fin connaisseur des passions humaines, fut aussi un chroniqueur politique et polémiste.
On connaît l'œuvre romanesque de François Mauriac, et son don pour décrire et analyser les passions de l'âme. Pourfendeur de la bourgeoisie provinciale, comme dans Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères ou Le Mystère Frontenac, l'écrivain a fait du conflit entre la foi et la chair un thème récurrent de ses romans.
Le travail journalistique de Mauriac à L'Echo de Paris, quotidien à tendance conservatrice et patriotique (où François Mitterrand écrivit également en 1936 et 1937) est moins connu.
Et pourtant, il publie régulièrement dès les années 20 des chroniques qui paraissent en Une du journal, dans lesquelles on perçoit en Mauriac un redoutable polémiste, un critique passionné tout comme un fervent chrétien.
En 1933, par exemple, François Mauriac se livre à une charge féroce contre les parlementaires :
« Sont-ils des humains pareils aux autres ? Nous n'en sommes pas très sûrs.
Le jour où la foule mettrait le feu au Palais-Bourbon, elle pourrait s'éviter la fatigue et la honte d'un massacre : ils crèveraient tous comme poissons hors de l'eau ; car on ne les imagine pas, rentrés dans la vie simple et normale, au chevet de malades s'ils furent médecins, ou instituteurs essuyant de nouveau le tableau noir.
On ne les voit pas à leur table, silencieux, penchés sur un livre, ou regardant le ciel et se posant des questions. Seuls les très grands ont résisté à cette atmosphère : Jaurès, chef de parti, directeur de journal, engagé dans une bataille sans fin, réservait ses matinées à d'immenses lectures. »
Mauriac, grand connaisseur de la littérature et de la poésie, montre une attirance toute particulière pour les héros tragiques et les méandres de l'âme humaine. Sur Verlaine, dans un article intitulé « L’Oeuvre et la Vie » », il écrit :
« II n'est aucune de ses grandes œuvres qu'il n'ait payée de son sang, de ses larmes, de son honneur humain. Sa triste histoire n'a pas fini de scandaliser ses biographes ; ils n'ont pas fini de remercier Dieu de ce qu'il ne les a pas rendus semblables à ce pourceau ; car il faudra la raconter aussi longtemps que sa chère voix ne se sera pas tue.
Hélas ! son œuvre immortelle immortalise son ivrognerie, ses mœurs atroces.
La poésie de Baudelaire et de Verlaine, écho de leur existence douloureuse, nous la rend inoubliable. »
Dans ces chroniques, c'est aussi le profond attachement de Mauriac à la religion chrétienne qui s'exprime. L'homme a tôt été guidé par un idéal chrétien « socialisant », que l'on perçoit dès les années 1920 et qui s'exprimera encore davantage au fil des ans.
L'Echo de Paris cesse de paraître en 1944.
En 1952, Mauriac reçoit le prix Nobel de littérature. C’est une consécration, mais aussi le point de départ d'une nouvelle carrière : l’écrivain se consacrera désormais presque entièrement à son œuvre journalistique (en écrivant notamment pour Le Figaro) qui restera polémique et politique.