Prostitution : interview d'un abolitionniste
Les débats autour de la prostitution étaient déjà fréquents il y a un siècle. La preuve avec cette interview d'un militant abolitionniste parue dans L'Ouest-Eclair en 1911.
La pénalisation des clients de prostituées a été adoptée par le Parlement la semaine dernière. Une mesure qui coïncide avec les 70 ans de la loi Marthe Richard sur la fermeture des maisons closes. Votée le 13 avril 1946, celle-ci entraîna la clôture d'environ 1400 établissements, dont 195 à Paris. Le vote de la loi marqua une victoire considérable pour le camp des opposants à la prostitution, dont le combat était en réalité très ancien (un mouvement abolitionniste était apparu en France dès la fin du XIXème siècle).
La presse d'époque s'est très tôt fait l'écho des débats autour de la prostitution. Par exemple, le 6 mai 1911, L'Ouest-Eclair publiait une interview d'un certain Émile Pourésy, agent général de la « Ligue française pour le relèvement de la moralité publique », un mouvement abolitionniste fondé en 1883 à l'initiative de militants protestants soucieux de bâtir une république morale.
Répondant à un journaliste gagné à sa cause, Pourésy se déclare farouche opposant à ce qu'on appelait alors la « traite des blanches » (l'expression désignait l'envoi organisé par des proxénètes de prostituées européennes vers les maisons closes d'Amérique latine). Il dresse ensuite un tableau accablant du monde de la prostitution.
« Exploitation par les grands magasins, filles séduites par la multitude des jeunes gens, bonnes débauchées par le maître ou les fils de la maison, ouvrières sans travail et sans pain, insuffisance des salaires, vice effroyable des hommes, préjugés odieux « de sa jeunesse qu'il faut passer », etc., souteneurs, proxénètes, trafiquants qui menacent, trompent, séduisent et volent, toute cette horde d'êtres malfaisants pousse la jeune fille à l’égout public, surveillé, canalisé, administré, patenté par les pouvoirs publics. »
Il faut savoir que l’État, par l'intermédiaire du fisc, profitait du commerce des maisons closes en prélevant un pourcentage des bénéfices. 1911 est aussi l'année où le préfet de police Lépine autorisa les « maisons de rendez-vous », plus discrètes, dans lesquelles les prostituées ne vivaient pas mais venaient seulement pour travailler.