1936 : « L'Intransigeant » interviewe Franco
En septembre 1936, alors que la guerre d'Espagne vient d'éclater, un envoyé spécial de "L'Intransigeant" rencontre le futur dictateur.
Le 5 septembre 1936, alors que vient d'éclater la guerre d'Espagne, L'Intransigeant publie une interview du général Franco. Lorsque celle-ci paraît, Franco vient tout juste d'être propulsé sur le devant de la scène en prenant la tête des rebelles nationalistes opposés au Front Populaire. Leur soulèvement, le 18 juillet, a marqué le début de la guerre civile. Quelques semaines avant l'interview, le 14 août, Franco s'est emparé de Badajoz, où il a fait fusiller entre 2000 et 4000 prisonniers de guerre, suscitant l'indignation de la presse internationale.
Pour rencontrer Franco, l'envoyé spécial de L'Intransigeant, Jean d'Esme, s'est rendu au quartier général des nationalistes, dans une petite ville de l'Estrémadure (sud-ouest du pays). C'est là, dans un vieil hôtel particulier envahi de militaires, que Franco le reçoit. Le journaliste lui demande « un bilan de la situation actuelle ».
" Le visage lourd de labeur se relève brusquement. Dans les yeux sombres une lueur s'allume.
– C'est simple : sur tous les fronts la situation est excellente. Nous sommes maîtres des 4/5 de l’Espagne. Et c’est un fait qu’il vous sera facile de contrôler. Vous n’avez qu’à circuler tout au long de nos lignes, vous constaterez par vous-même la sorte d’îlot où se trouvent enfermés maintenant les forces rouges. Un autre fait : avant-hier, hier et aujourd'hui, se sont déroulés des combats dans la province de Tolède. Nous y avons littéralement mis en débandade les troupes ennemies, faisant prisonnier un bataillon complet d’infanterie de wad-ray, avec tout son matériel, et huit femmes ! "
Il ajoute :
"Je ne vous cite ces opérations […] que pour vous signaler un fait qui nous apparaît nettement : la démoralisation de l'ennemi. Des symptômes nous en apparaissent chaque jour plus nombreux, prouvant que la désagrégation des forces rouges se précipite.
[…] Et, d'un geste de la main, le général Franco semble balayer ces forces qui d'elles-mêmes, déjà commencent à s'émietter. "
Et l'aviation, s'interroge le reporter ?
"– Un fait nous frappe de ce côté-ci, c’est que si vos avions sont singulièrement agressifs, ceux de l’ennemi semblent par contre plutôt passifs. Serait-ce une question de matériel ?
Sèche, presque brutale, la voix du général Franco réplique :
– Non, question d’hommes. Leur matériel est bon, mais leurs aviateurs ne se battent pas comme les nôtres pour un idéal. L'esprit de sacrifice que donne une grande idée qu'on porte en soi leur manque..."
Moins d'un mois plus tard, le 1er octobre, Franco était proclamé "generalissimo" et chef d’État à Burgos. En 1939, au terme d'une guerre sanglante, celui qui porte désormais le titre de "Caudillo" écrasera les républicains et deviendra dictateur de l'Espagne. Il le restera jusqu'à sa mort en 1975.