Archives de presse
La Guerre d’Espagne à la une, 1936-1939
Reportages, photo-journalisme, interviews et tribunes publiés à la une à découvrir dans une collection de journaux d'époque réimprimés en intégralité.
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Comme Robert Capa, elle travaillait sur le front de la Guerre d’Espagne, envoyée spéciale de plusieurs journaux français. Morte en 1937 dans la province de Madrid, Gerda Taro tombe dans l’oubli. Avant d’être retrouvée au cours des années 2000.
En 1936, la photojournaliste allemande Gerda Taro (de son vrai nom Gerta Pohorylle) et son compagnon, le photographe hongrois Endre Ernő Friedmann (dont elle a inventé le pseudo de Robert Capa), se rendent en Espagne pour couvrir le conflit. Elle est l’envoyée spéciale de plusieurs publications de gauche et pro-Républicains, parmi lesquelles Regards, L’Humanité et Ce Soir.
Au début de la couverture photographique de la guerre, les images sont signées de leurs deux noms. Mais c’est celui de Capa que l’on retient et que l’on demande.
Gerda part sans lui pour couvrir le bombardement de Valence, puis les combats autour de Madrid. La bataille de Brunete, à l’ouest de la capitale, dure près de vingt jours. Elle y pose son appareil dès le début et envoie régulièrement ses photos au journal Ce Soir.
Le 16 juillet, celui-ci peut affirmer que l’armée républicaine ont pris la ville.
« Certains journaux ont démenti la nouvelle de la prise, par les Républicains, du village de Brunete. Nos collaborateurs Ribécourt et Léon Moussinac, membre du Congrès international des écrivains, ont assisté à la conquête de la bourgade.
Notre reporter photographe Taro nous a fait parvenir ces documents, preuves irréfutables de l'avance victorieuse des soldats gouvernementaux. »
Le 22 juillet, Regards publie un « reportage photographe sensationnel de Taro », première et seules images de l’offensive de Brunete qui « sentent un peu la poudre et la victoire ».
« Brunete, le premier bond de l'offensive. Et le premier triomphe.
Entre les murs étoilés de trous d'obus, les soldats républicains avançaient, mètre par mètre. Sur les routes défoncées, c'était le retour joyeux des paysans vers les nouvelles lignes républicaines.
Regards était à Brunete, en plein combat.
Ces documents que notre photographe TARO nous envoie, ces premières et les seules images de l'offensive, avec la fumée des combats, elles sentent un peu la poudre, et la victoire. »
Ce sera le dernier reportage envoyé par la jeune photojournaliste. Les républicains battent en retraite sous le bombardement qui s’intensifie.
Le 25 juillet, Gerda Taro qui est restée avec eux, quitte la position qu’elle occupait et monte sur le marchepied d’une voiture pour échapper au feu. Elle est percutée par un char républicain qui débouche à l’improviste. Transportée à l’hôpital, elle décède le lendemain, à l’âge de 27 ans.
La nouvelle de sa mort est immédiatement reprise par la presse française. De L’Echo d’Alger à Paris-Soir en passant par L’Ere Nouvelle, pour qui Gerda était un « confrère », tous saluent le courage de la jeune femme (les nationalistes de L’Action française ironisant au passage sur la couleur rouge du tank qui l’a tuée).
Pour les journaux qui l’employaient, l’émotion est immense. La « pequeña rubia », la petite blonde comme l’appelaient les Espagnols, reçoit un hommage unanime. Lorsque le train du convoi funéraire arrive en France, il est accueilli par Louis Aragon et Jean-Richard Bloch, directeurs du journal communiste Ce Soir, ainsi que par une haie d’honneur des cheminots.
Le corps de Gerda, transporté à la Maison de la culture, sera veillé pendant deux jours par ses confrères et consœurs du syndicat de la presse.
Plusieurs milliers de personnes accompagnent la dépouille de la journaliste au cimetière du Père-Lachaise, où elle est inhumée près d’Henri Barbusse, face au mur des Fédérés.
Le 6 août, Ce Soir publie l’une de ses dernières photos, montrant un groupe de Franquistes se rendant aux Républicains.
La veille, Regards lui a rendu un vibrant hommage par la plume de l’écrivain Léon Moussinac, envoyé spécial avec elle sur le front républicain.
« Comme je lui demandai pourquoi elle ne rentrait pas à Paris avec nous, ainsi qu'il avait été prévu, elle me répondit :
- Les événements seuls, ici, me commandent. Si ‘ça barde’, je resterai encore quelques jours. Je suis là pour ça.
Son travail, son devoir, son œuvre, son combat.
Pour ma part, je conserve d'elle cette image terriblement vivante dont je voudrais pouvoir faire don à tous ses amis, à tous nos lecteurs : un profil aigu, charmant, volontaire, de femme au-dessus des blés de Brunete, un petit poing d'enfant cognant le ciel, – tandis que dans un silence surgi soudain, dans le silence du départ, une alouette se met à chanter et Gerda à sourire. »
Son courage et son talent s’effacent cependant peu à peu de l’histoire des photographes de la guerre d’Espagne, au profit de celui de Capa.
Mais en 2007, le frère de ce dernier se voit restituer une valise ayant appartenu au célèbre photographe. Cette « valise mexicaine », perdue en 1939 et retrouvée chez l’héritière de l’ambassadeur du Mexique à Vichy, contient trois boîtes de négatifs de la guerre d’Espagne. Les photos sont signées Capa, Chim (David Seymour, cofondateur de l’agence Magnum) et Taro.
L’exposition des clichés en 2013 au Musée d'art et d'histoire du judaïsme permet au grand public de redécouvrir le travail de Gerda, première femme reporter photographe à trouver la mort au front.
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Pour en savoir plus :
« Gerda Taro, c'est pire qu'un effacement, c'est sa disparition », émission diffusée sur France Culture, 2018
Irme Schaber, Gerda Taro. Une photographe révolutionnaire dans la guerre d'Espagne, Monaco, Éditions du Rocher, 2006
François Maspero, L'Ombre d’une photographe, Gerda Taro, Paris, Éditions du Seuil, 2006
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