Première Guerre mondiale : la presse se plie à la censure
À l’été 1914, la presse française accepte d'être soumise à la censure préventive pour ne pas favoriser l'ennemi. La désinformation atteint son paroxysme pendant la bataille de Verdun, en 1916.
Dès le début de la Première Guerre mondiale, la presse française accepte de se plier à la censure militaire et diplomatique, considérant que dévoiler certaines informations pourrait favoriser l'ennemi. Adolphe Messimy, ministre de la Guerre, rappelle dans un communiqué, une semaine seulement après les premiers combats, « les devoirs particuliers que l’état de guerre impose à la presse », tandis que la loi du 5 août 1914, votée pour toute la durée de la guerre, interdit de publier tous renseignements et informations autres que ceux communiqués par le gouvernement.
Les journaux paraissent avec des blancs indiquant que certaines informations ont été caviardées, comme ici dans Le Journal des débats politiques et littéraires.
La censure atteint des sommets lors de la bataille de Verdun (voir notre vidéo « Verdun, la presse en guerre »). Dès le début de l’offensive allemande en février 1916, elle fait l’objet d’un récit largement biaisé par les journaux français, qui relatent jour après jour les communiqués officiels - lesquels sont soumis aux délais de transmission des informations au ministère de la Guerre et à ceux de la rédaction et de la diffusion.
Le 21 février 1916, alors que l’artillerie allemande vient de déverser un million d’obus sur les lignes françaises, marquant le début de la bataille de Verdun, le communiqué publié par la presse rapporte (comme ici dans L'Ouest-Éclair) :
« Faible action des deux artilleries sur l'ensemble du front, sauf au nord de Verdun, où elles ont eu une certaine activité. »
À partir du 25 février, la bataille occupe tous les jours les unes des journaux, sans que jamais ne soit rapporté de manière fiable ce qui se passe sur le terrain.
« Terrible massacre d’Allemands », peut-on lire dans La Petite Gironde du 26 février 1916, qui poursuit sur un ton quasi lyrique :
« Le massacre était formidable. Des rangs entiers d'Allemands s'effondraient les uns sur les autres, arrêtant net l'élan des rangs suivants.
Il apparaissait nettement qu’ils n'osaient pas reculer de crainte d’être tués à coups de revolver par leurs officiers, qui se tenaient en arrière des colonnes d'assaut. Mais, malgré l'impétuosité de l'offensive, ils étaient obligés de s'arrêter, d’autant plus qu'une attaque d'infanterie, tentée par eux pour appuyer l'autre, était brisée net par notre artillerie. »
Le 29 février 1916, alors que la bataille s'intensifie, Le Figaro écrit :
« Côté allemand : la ruée sur Verdun, d'épouvantables hécatombes, stratégie de Timour ou d'Attila. Côté français : l'une des belles manœuvres de cette guerre. »
Il ne s'agit pas d'informer mais de soutenir le moral des troupes et de l'opinion. Le Figaro du même jour note d'ailleurs :
« Toute la presse alliée exprime la plus grande confiance dans l'héroïque résistance de nos soldats que l'on sent prête à se changer en brillante offensive. »
Le 22 mars 1916, un dessin paru dans Le Figaro montre des dizaines de soldats morts autour d’une borne kilométrique de Verdun, tous identifiables comme étant des « Boches ».
Les soldats français sont au contraire dépeints en héros de la nation. Leurs conditions de vie dans les tranchées, leurs angoisses et leurs traumatismes sont totalement passés sous silence.
La fin de la guerre, en novembre 1918, marque la fin de la censure. La France sortant victorieuse du conflit, les journaux échapperont aux critiques sur leur traitement de la Grande Guerre.