La publication d'« À la recherche du temps perdu »

Dans Le Figaro du 16 novembre 1913 paraît une brève recension d'un ouvrage publié à compte d'auteur, deux jours plus tôt, par un écrivain peu connu hors des cercles littéraires, mais qui collabore occasionnellement au journal. Il s'agit d'un certain Marcel Proust.

"« À la recherche du temps perdu ». Tel est le titre étrangement attirant et original d'une véritable « trilogie » romanesque dont notre collaborateur et ami, M. Marcel Proust, publie, cette semaine, la première partie, Du côté de chez Swann. L'œuvre est forte et belle, et nous y reviendrons."

Il faudra attendre un peu avant que les autres journaux s'intéressent à Du côté de chez Swann, premier tome de ce qui, à l'origine, devait être une trilogie (l'œuvre finale comptera sept volumes). Ainsi le 21 novembre, dans Le Temps, Proust présente ce premier volet :

"Déjà, dans ce premier volume, vous verrez le personnage qui raconte, qui dit : « Je » (et qui n’est pas moi) retrouver tout d’un coup des années, des jardins ; des êtres oubliés, dans le goût d’une gorgée de thé où il a trouvé un morceau de madeleine ; sans doute il se les rappelait mais sans leur couleur, sans leur charme."

Le 10 décembre, dans le même journal, une chronique enthousiaste signée Paul Souday contribuera à lancer le livre. Le journaliste y relève pourtant que dans Du côté de chez Swann, "les incorrections pullulent" et que les "participes de M. Proust [...] s'accordent mal". "Visiblement, ajoute-t-il, les jeunes ne savent plus du tout le français".

Le manuscrit du premier volume d'À la recherche du temps perdu avait été refusé par Fasquelle, puis par Gallimard (le comité de lecture était présidé par André Gide qui s'en voudra toute sa vie). Proust avait alors été contraint de le faire publier chez Bernard Grasset, mais à la condition... de payer lui-même les frais d'édition.

Le deuxième volume, À l'ombre des jeunes filles en fleur, recevra le prix Goncourt en 1919.