En 1794, l'accident industriel le plus meurtrier de l'histoire de France
Tandis que la France vit les derniers jours de la Terreur, en août 1794, l'explosion de la poudrière de Grenelle, à Paris, fait près de 1 500 victimes. Le drame devient un enjeu politique national.
Le 31 août 1794, 1 500 ouvriers fabriquent de la poudre noire dans la poudrière du château de Grenelle, à Paris, quand soudain une gigantesque déflagration retentit : des dizaines de tonnes de poudre viennent d’exploser, semant la désolation dans le quartier.
C'est la première fois qu'un accident de cette nature se produit en pleine ville.
Les journaux révolutionnaires – ici Le Mercure universel – rapportent :
« Hier, à sept heures et demie du matin, un magasin à poudres de la plaine de Grenelle, située entre le champ de Mars et les nouvelles barrières, a sauté en l’air.
La commotion produite par cette explosion s’est fait ressentir dans une grande partie de Paris. »
Et de dresser ce bilan (il sera établi par la suite que le drame a tué 550 personnes et causé près de 1 000 blessés) :
« Quantité de carreaux, de vitres et de meubles précieux ont été cassés [...].
On regrette la mort de quantité de citoyens. »
La France vient alors de sortir de la Terreur, qui a fait de mars 1793 à août 1794 plus de 6 500 morts, pour 500 000 arrestations. Robespierre a été exécuté un mois plus tôt, le 28 juillet [voir notre article sur la chute de Robespierre].
La nouvelle Convention vient donc de se constituer quand elle doit faire face à ce terrible accident industriel. Il faut à tout prix éviter la gronde populaire.
La tâche est d'autant plus délicate que l’accident fait suite à la mise en place de nouvelles méthodes et cadences de travail visant à augmenter la capacité de production de la poudrerie pour répondre ainsi à l'effort de guerre – ce faisant, l'application des mesures de précaution élémentaires a été reléguée au second plan...
Immédiatement, la Convention nationale fait savoir qu’elle réagit avec détermination et efficacité :
« La Convention, au bruit de cette explosion, s’est réunie sur les 8 heures du matin ; et a nommé d’abord des représentants du peuple pour constater et faire agir les secours. [...]
La force armée est sur pied, les pompiers sont en activité ;
les asyles [sic] sont ouverts aux blessés ;
les mesures pour leur transport sont assurées ;
les Officiers de santé sont requis ;
la Convention nationale a décrété que toutes les pertes seront supportées par la République. »
Puis les députés en appellent au peuple :
« La Convention nationale vous invite à vous tenir tranquilles et prêts autour de vos sections respectives, pour vous porter, au premier signal, partout où les autorités constituées vous appelleront, au nom de la patrie. »
Dans les jours suivants, la catastrophe devient un enjeu politique national et le gouvernement révolutionnaire met tout en œuvre pour que cet événement inopiné serve sa cause.
À la tribune, les députés de la Convention le martèlent : « l’aristocratie menace le gouvernement révolutionnaire d’une ruine prochaine » – d'ailleurs, leur réaction à ce drame national en est la preuve !
« Les défenseurs de la patrie qui se trouvoient à l'hôpital du Gros Caillou, sont descendus de leurs lits pour y placer les malheureux blessés de la plaine de Grenelle [...]. Les patriotes ont prouvé que sous le gouvernement révolutionnaire, tant calomnié, le peuple français n'étoit qu'un peuple de frères et d’amis.
Nous n'avons pas vu les aristocrates porter secours aux malheureux blessés, il n'y avoit que les bons sans-culottes qui, joignant l’exemple au précepte, présentoient à tout le monde la leçon la plus touchante de tendresse fraternelle et du dévouement républicain ;
l'aristocratie seule a prouvé en cette circonstance, plus que jamais, qu’elle est étrangère à l’humanité. »
La catastrophe suscite un regain d’intérêt soudain pour les règles de prévention et de sécurité. Dès le lendemain, en remplacement de cette poudrerie gigantesque, la Convention choisit de répartir la production en plusieurs lieux, « éloignés de toute habitation ».
Aucune enquête officielle ne fut toutefois diligentée pour établir d'éventuelles responsabilités. C'est, à ce jour, la plus grande catastrophe industrielle jamais recensée en France.