1922 : le procès de Gandhi « l'agitateur »
En mars 1922, Gandhi est accusé de bloquer le système anglais en Inde par sa doctrine de non-violence et le boycott des produits anglais et des institutions anglaises.
« La non-violence demande qu’on se soumette volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le mal. » Ainsi parla Gandhi lors de son jugement, le 3 mars 1922 à Ahmedabad, dans le Gujerat. Face à ses juges, il dénonce : « L’administration de la loi […] s’est prostituée au service de l’exploiteur ».
Le Mahatma (la « Grande Âme », titre qu'il refusera toute sa vie) n'accepte alors plus aucune coopération avec Londres depuis plus de deux ans.
Gandhi est arrêté sur la base d’« articles séditieux » parus dans son journal, Young India. Au mois de mars 1922, lors de son procès, il est accusé de bloquer le système anglais en Inde par sa doctrine de non-violence et de non-coopération ainsi que par le boycott des produits anglais et des institutions anglaises.
Dans la presse française, l'homme est présenté comme un agitateur. L'Homme libre dresse le portrait de cette « curieuse figure » :
« Mohandas Karamchand Gandhi naquit en 1869, dans la province de Gujarat, sur la côte nord-est de l'Inde. Son père, de qui il hérita, dit-on, ses dons d'agitateur, exerçait également la profession plus lucrative de marchand. Gandhi appartient donc par sa naissance à la caste commerçante, troisième des quatre grandes castes hindoues, et ses parents observaient rigoureusement les préceptes de leur caste. Il fut donc initié de bonne heure aux austérités religieuses.
À douze ans, on le maria, selon la coutume, à une fillette qui devait dans l'avenir lui être la plus loyale et la plus dévouée des compagnes. Très jeune, il décida d'aller en Angleterre y étudier la loi. [...]
Ce fut donc un jeune barrister fort accompli qui reprit, sept ans plus tard, le chemin des Indes, où il retrouva sa petite épouse. Tous deux, ils s'installèrent à Bombay où Gandhi se mit à exercer la profession d'avocat.
Mais sa véritable destinée ne devait pas s'accomplir dans le prétoire de Bombay, où il n'obtint, du reste, que des succès assez médiocres. Lorsqu'on lui proposa de partir pour l'Afrique du Sud afin d'y défendre les intérêts de certains de ses compatriotes, il n'hésita pas à accepter cette mission. [...]
Son patriotisme se réveilla ardent, brusquement, avec l'impétuosité propre au fanatisme religieux, il résolut de renoncer à sa carrière d'avocat pour se consacrer dorénavant à l'éducation spirituelle de ses compatriotes, qu'il aiderait ainsi à se libérer du joug étranger. Le mouvement nationaliste hindou avait trouvé un chef.
Déjà, le mysticisme de Gandhi s'affirmait intense. Il créa au Natal une communauté où hommes et femmes devaient vivre dans une parfaite unité Spirituelle. Lui-même donna l'exemple de la pauvreté, — une des règles essentielles de cette communauté — en distribuant toute sa fortune et en se soumettant à une austère discipline de vie, dont il ne s'est jamais départi depuis. [...]
Mais ce ne fut qu'une fois de retour aux Indes en 1914 qu'il prêcha ouvertement la doctrine de la résistance passive. »
De son côté, La Lanterne revient sur les origines du mouvement de non-coopération fondé par Gandhi.
« C'est un réformateur religieux, un Hindou, Hindou jusqu'a la moelle des os, qui voudrait ramener son peuple au culte ancestral dans toute sa pureté. Irréprochable dans sa vie d'une austérité d'ascète, cet homme au corps débile qu'animent une foi et une énergie indomptables a pour les honneurs, les biens, les avantages matériels un dédain absolu, que ses adversaires eux-mêmes reconnaissent, et qui le fait vénérer comme un saint par ses partisans. Il a fait appel aux forces morales intérieures qui, dit-il, “surpassent de beaucoup les fausses réalités de ce monde”, et “ces forces morales, déclare-t-il à ses partisans, sont inconquérables”. Dans Young India, son organe, il insiste constamment sur ce point.
C'est là le principe essentiel du mouvement dirigé par Gandhi. Le régime imposé par les Anglais aux Indes, leur gouvernement du pays sont “sataniques”. Le devoir de tout homme pieux, craignant Dieu, est de s'en écarter complètement. S'y associer d'une manière quelconque est un acte criminel devant Dieu. C'est une forme de boycott fondé sur une idée religieuse.
C'est ce que Gandhi a compris sous le nom de “non coopération”, qui consiste à ne rien accepter du gouvernement, et à ne lui rien devoir, à n'avoir affaire à lui en rien ni pour rien. Cette “non coopération” va d'un côté jusqu'au renoncement à tous les titres, à toutes les faveurs, à tous les honneurs, à toutes les charges, à toutes les fonctions conférés par le gouvernement ou dépendant de lui, et de l'autre côté elle va jusqu'au refus de payer les impôts et les taxes. »
À l’issue de ce procès, il sera condamné à six ans de prison, dont il effectuera deux ans seulement pour raisons de santé. Sa prison devient un lieu de pèlerinage et les Anglais craignent un soulèvement du pays. L'Intransigeant rapporte :
« La présence de Gandhi, dans la prison de Ahmadabab, a fait de cet endroit un lieu de pèlerinage. Le fait d’être son compagnon de captivité est considéré comme un privilège, et ce privilège est très disputé. Gandhi semble heureux. Il sourit à tout le monde ; il paraît dans un excellent état d’esprit. »
Il mourra assassiné en 1948, à 78 ans, six mois après l'indépendance de son pays.