Écho de presse

Gloire et déchéance du célèbre mage Cagliostro

le 29/05/2018 par Pierre Ancery
le 17/08/2017 par Pierre Ancery - modifié le 29/05/2018
RetroNews : le comte de Cagliostro, estampe de Johann Simon Negges ; 1786 - source Gallica BnF

Cet aventurier sicilien, qui se disait sorcier et immortel, obtint un succès prodigieux dans la bonne société française du XVIIIe siècle, avant de se voir condamné par l’Église.

Le 3 mai 1791, dans son courrier de Rome, le Mercure Universel indique à ses lecteurs que :

 

"Le tribunal du saint office a déclaré Cagliostro sectaire, chef de la secte des illuminés, hérésiarque, perturbateur de la société, ennemi de la puissance séculière, et comme tel condamné à être pendu, et son corps à être brûlé."

 

Le Courrier extraordinaire, dans son édition de la veille, ajoutait :

 

"Le saint père, dans sa clémence, a commué la peine en une prison perpétuelle ; c'est-à-dire que le béat, n'osant pas régaler son peuple d'un auto-da-fé, a cru devoir user prudemment de la recette de la bastille."

 

Qui est ce Cagliostro, et quel crime a-t-il commis pour s'attirer les foudres de l’Église ? Né en Sicile en 1743 (d'autres sources indiquent 1713), Giuseppe Balsamo passa la première partie de sa vie à voyager (Italie, Grèce, Arabie, Perse...) et à acquérir divers secrets alchimiques et médicinaux. Tout en se faisant une réputation de guérisseur, ce « mage » autoproclamé séduit les grands personnages qu'il rencontre, se taillant une solide réputation de thaumaturge à travers l'Europe.

 

En 1769, il rencontre Casanova à Aix-en-Provence. De 1776 à 1777, à Londres, il est initié à la franc-maçonnerie, dont il se fera le promoteur en fondant à Lyon, en 1784, la loge maçonnique « la Sagesse triomphante ». Se prétendant disciple du mystérieux comte de Saint-Germain, Balsamo (qui a pris le nom de comte de Cagliostro) se déclare immortel. Prétendant détenir un élixir de jeunesse, il escroque les crédules en le leur vendant au prix fort.

 

Les Annales politiques et littéraires lui consacrent en 1920 une page entière :

 

"C'est dans l'été de 1781 que le comte de Cagliostro fit ses débuts sur la scène parisienne : les détails fantaisistes abondent ; mais, pour ne retenir que des traits authentiques, c'était un homme assez mal tourné, mal habillé de taffetas bleu galonné sur toutes les tailles et coiffé de la manière la plus ridiculement bizarre, avec des nattes poudrées et réunies en cadenettes. Il portait des bas chinés à coins d'or et des souliers en velours avec des boucles en pierreries. Trop de diamants aux doigts et à la jabotière, aux chaînes de ses montres [...]. Les traits de son visage étaient réguliers, sa peau vermeille et ses dents superbes. Je ne parle pas de sa physionomie, car il en avait douze ou quinze à sa disposition. On n'avait jamais vu des yeux comme les siens."

À Paris, il s'installe dans le quartier du Marais. Avec l'aide de sa femme la comtesse Lorenza, Cagliostro multiplie les tours de magie et de sorcellerie. Et obtient un succès exceptionnel dans la bonne société de la capitale...

"L'un des prestiges de Cagliostro était de faire connaître à Paris un événement qui venait de se passer à l'instant même à Vienne, à Londres, à Pékin, ou bien qui se passerait dans six jours, dans six mois, dans six ans, dans vingt ans. Mais il avait besoin pour cela d'un appareil ; cet appareil consistait en un globe de verre rempli d'eau clarifiée et posé sur une table. [...] Cet appareil préparé, il fallait placer à genoux, devant le globe de verre, une voyante, c'est-à-dire une jeune personne qui aperçût les scènes dont le globe allait offrir le tableau et qui en fît le récit ; mais une voyante était difficile à trouver parce qu'il y fallait plus d'une condition : la jeune personne devait être d'une pureté qui n'eût d'égale que celle des anges, être née sous une constellation donnée, avoir les nerfs délicats, un grand fonds de sensibilité, et les yeux bleus."

 

Cagliostro prétend aussi pouvoir réveiller les morts.

 

"On apprit, un beau jour, qu'à un souper intime servi dans la salle à manger de l'hôtel de la rue Saint-Claude, Cagliostro avait évoqué les morts. Six convives et l'amphitryon avaient pris place à une table ronde garnie de treize couverts ; chacun des invités avait demandé le mort qu'il désirait revoir ; Cagliostro, vêtu d'une veste glacée d'or, avait fait l'appel lentement, en concentrant toute sa volonté. Il y eut un moment affreux d'incertitude et d'angoisse, mais il dura peu ; les six convives évoqués parurent : c'étaient le duc de Choiseul, Voltaire, d'Alembert, Diderot, l'abbé de Voisenon et Montesquieu... On pouvait se trouver en plus sotte compagnie."

Arrêté en 1785 suite à l'affaire du collier de la Reine, dans laquelle l'entraîne le cavalier de Rohan, il est incarcéré à la Bastille, avant d'être expulsé et d'errer dans l'Europe. En 1789, l'escroc est arrêté en Italie par la Sainte Inquisition et est emprisonné au château Saint-Ange, à Rome, comme suspect de pratiquer la franc-maçonnerie.

Jugé en 1791 par la justice pontificale, il est condamné pour hérésie. Il finira ses jours à la forteresse San Leo, dans la région des Marches, où il meurt en 1795.