Entre-temps, une des plus violentes attaques contre les « bas-bleus » sera menée par l'écrivain catholique Jules Barbey d'Aurevilly, célèbre pour ses piques acérées contre tout ce que la France compte de gloires littéraires. En 1862, dans un article intitulé « Les bas-bleus du XIXe siècle », il s'en prend à la plus célèbre écrivaine d'alors, George Sand :
« Chateaubriand osa un jour (riait-il ?) l'appeler le plus grand homme de son époque. Qui, de l'homme ou de l'époque, voulait-il insulter ? »
En 1878, dans son livre Les Œuvres et les hommes au XIXe siècle, Barbey d'Aurevilly consacre un chapitre aux femmes écrivains, dont un extrait est cité par Le Figaro :
« Or presque tout le monde actuellement a le ridicule de penser que l'homme et la femme ont la même tête, le même cœur, la même puissance et le même droit. C'est stupide, ignorant et anarchique qu'une telle idée ; mais cela n'est plus ridicule par la raison que cela tend à devenir une croyance et une opinion universelle [...].
Il y a de petites décadences, disait Galiani. Mais je ne crois pas que dans l'Histoire, il y en ait une plus petite que celle qui nous menace. Je ne crois pas qu'il y en ait de plus honteuse que celle d'un peuple qui fut mâle et qui va mourir en proie aux femelles de son espèce. »
En 1885, l'éditorialiste Gustave Goetschy, dans Le Matin, se penche lui aussi sur ce qu'il nomme le « bas-bleuisme ». Se projetant dans le futur, il imagine, non sans quelque effroi, un monde où la femme, accédant aux métiers jusque-là réservés à l'homme, l'aurait « remplacé » :
« Le bas-bleuisme sévit, en ces années de disgrâce, avec une fureur qui doit donner fort à réfléchir aux statisticiens.
Incontestablement, à la rapidité avec laquelle la contagion gagne et s'étend, avant vingt ans d'ici la France comptera plus de femmes écrivains que d'écrivains du sexe fort ; dans quarante ans ceci aura tué cela, le bas-bleu aura détrôné la culotte.
Alors nos neveux verront peut-être en ce temps-là s'accomplir des choses singulières ; toutes ces professions dites libérales qui nous coûtent tant de peines et nous valent si peu de profit, le livre, la presse, le barreau, la chaire et la tribune, elles les exploiteront ; confinés au logis, dans une quiétude sereine, jamais troublée par les nécessités hurlantes et les lourdes responsabilités de la vie, les hommes, avec cette belle indolence des ménagères de Paris à qui leur oisiveté fait souvent oublier jusqu'au souci du dîner, les hommes, vaqueront aux menus soins du ménage, surveillant d'un œil paternel et maternel à la fois les ébats de la progéniture, arrosant le rôti du soir, et filant la laine. »