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La Libre Parole, 5 juin 1896

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La Libre Parole
5 juin 1896


Extrait du journal

Elle va bien, la police de sûreté, et j’i magine que les vilenies commises ces jours-ci par elle vis-à-vis de rédacteurs de La Libre Parole ne sont pas le fait de policiers amateurs, que les agents qui font cette sale besogne obéissent à des ordres supérieurs, qu’ils émanent de Puibaraud ou de Barthou. C’est du propre ! mais arrivons aux faits. Hier, Papillaud nous apprenait qu’une enquête de police avait été faite auprès de sa concierge et, rattachant cette dé marche à l’affaire de Balsan, nous disait que semblable enquête avait du être faite à nos domiciles, à Biot et à moi. (Pour avoir empêché, sans même le menacer d’une pichenette, le législateur Garran de Balsan de commettre un délit, en se livrant à un pugilat, nous sommes poursuivis, Biot et moi, pour voies de fait !... Notez que Biot a reçu une ruade sénatoriale, qui lui a laissé un souvenir au tibia, et que, si j’ai évité le coup de chausson de l’honorable, j’ai eu quelques instants, brandie sur ma tête, la canne de M. de Balsan), Mais je reviens à mes moutons. Ma concierge m’annonçait hier qu’on était venu, quelques jours auparavant, la questionner sur mes habitudes. Même enquête chez Biot, où la police apprenait, comme chez moi, que nous ne rentrions que vers trois heures du ma tin ! Vous voyez d’ici les déductions que peut tirer un policier imaginatif de ce simple renseignement : — M. Albert Monniot ne rentre guère avant trois heures du matin ! — Parfaitement, se sera dit le sbire, c’est un de ces hommes qui rentrent se coucher quand on les met à la porte des établissements de nuit. Biot et moi, nous devons avoir des no tes exécrables... car nous ne quittons le journal qu’après le départ de la dernière forme, après deux heures. Si jamais la police enquête surGruson, notre excellent metteur en pages, qui va jusqu’à l’imprimerie son travail de com position terminé, et ne doit rentrer qu’a près trois heures du matin, c’est le bagne pour notre infortuné camarade... J’avais déjà presque oublié cette sale histoire de police quand, suivant ma dé plorable habitude, je rentrai chez moi la nuit dernière après deux heures, flanqué de l’incorrigible Biot. Il faisait bon flâner, nous allions lente ment ; Biot me racontait quelques épi sodes de sa captivité eu Allemagne. Ce n’était que la troisième fois : j’écou tais avec intérêt... quand je remarquai un autre auditeur, flânant sur nos ta lons, réglant son allure sur la nôtre. Nous n’avions pas fait cent pas, que nous avions cinq ou six ignobles indivi dus autour de nous : à chaque banc, il s’en levait un. Sans nous être dit un mot, nous avions la même pensée, et Biot sembla soudain s’intéresser vivement à la publicité d’un kiosque lumineux. Notre temps d’arrêt déconcerta un peu notre escorte ; il y eut du flottement et, au moment où nous nous mettions en marche, le cercle se resserra. Que pouvaient nous vouloir ces noc tambules? Au coin de la rue Rougemont, nouvel arrêt. Surpris, nos gardes-du-corps nous dé passent, reviennent, nous regardent à distance, semblent désemparés. Cette comédie continue jusqu’au fau bourg Poissonnière ; nouvelles allées et venues ; mais nous sommes sur nos gar des, et nous avons des triques en mains. Au bout d’un quart d’heure, nos mou chards se disséminent : Biot et moi nous bifurquons et rentrons sans autres mau vaises rencontres. Aujourd’hui, autre histoire ; Ma concierge, qui ne doit avoir aucun grief contre moi puisqu'elle me tire ré gulièrement le cordon au second coup de sonnette, croit devoir m’avertir qu’on est revenu de la préfecture. — Quels renseignements vous a-t-on demandés? — Combien il y avait de temps que vous habitiez la maison, combien vous avez de loyer, si vous payez régulière ment votre termô, si vous vous grisiez, si vous aviez le caractère violent, à quelle heure vous rentrez généralement, etc., etc. C’est 2a soie ami continu*...

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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