Extrait du journal
suscita tout à coup devant lui le si nistre épisode et lui montra, en dix minutes, la place éclatante, la foule bruyante, la poussée terrible, la lutte, les cris et les agonies, puis l’ombre et le silence descendant sur ce lieu que la Destinée a d’avance marqué pour des spectacles plus tragiques encore. Nous n’aimons pas qu’on nous ré vèle l’existence d’une force mysté rieuse cachée dans les choses. Ne nous sentant plus capables de maîtriser les événements, nous préférons supposer qu’ils arrivent tout seuls et unique ment par le fait du hasard. La fête jusqu’à neuf heures n’avait présenté rien d’extraordinaire. Les fontaines de vin avaient coulé, les sal ves d’artillerie avaient retenti à- six heures du matin et à midi. Quand le jour commença à baisser, toute la ville s’illumina. Des orchestres étaient placés devant l’Hôtel de Ville, les hô tels du gouverneur de Paris et du Pré vôt des marchands et les maisons des officiers de ville. Les multitudes se précipitèrent vers la place Louis XV, où devait être tiré un superbe feu d’artifice. Les décorations de ce feu, qui avaient cent trente pieds de haut, représentaient le Temple de l’Hymen. Que se passa-t-il exactement quand le feu d’artifice fut terminé ? Il est fort difficile de le savoir. Après avoir laissé étouffer les gens, la Ville s’efforça d'étouffer l’affaire. Voici en quels termes très peu circonstanciés, le Mercure annonce cette catastrophe : Les plaisirs de cette fête ont été trou blés par des malheurs. La rue par la quelle le peuple se porta avec le plus d’affluence, après le feu d’artifice, s’étant trouvée embarrassée par différents obsta cles, et la foule étant prodigieuse, un grand nombre de personnes de tout âge ont été étouffées. On ne peut exprimer la douleur que cet événement a causé au Roi et à la Famille royale. Sa Majesté a donné des ordres précis pour qu’il fut pourvu au soulagement des familles comprises dans le désastre de cette journée. La disposition de la place, avec ses fossés béants de distance en distance, dut beaucoup contribuer à aggraver la catastrophe. La rue de Rivoli, il n’est p~s bc .oin de le dire, n'existait pas encore, et quand la dernière fusée fut partie, chacun voulut se retirer par la rue Royale. C’est alors qu’une bande de deux mille personnes débouchant tout à coup des boulevards vint causer une épouvantable confusion et, qu’entre ces deux courants humains, un choc horrible se produisit. Y eut-il là rencontre fortuite ? La chose n’a rien d’absolument invrai semblable, quoique ce tumulte ne s’ex plique ni par une pluie soudaine, ni par un incendie, ni par aucune cause capable de produire un trouble aussi complet. 11 est très possible aussi qu’une manœuvre ait été préparée pour produire un léger tohu-bohu, dont les conséquences furent inat tendues. Quoi qu’il en soit, ie désordre fut épouvantable. En ce temps, presque tout le monde portait l’épée, et la fu reur de ceux qui dégainèrent pour es sayer de s’ouvrir un passage contri bua à rejeter plus violemment leurs voisins les uns sur les autres. Mme de Genlis est le seul écrivain contemporain qui s’étende longuement sur cet événement ; elle ne nous ra conte point l’accident, mais nous donne bien l’écho de l’agitation qui le suivit et qu’elle éprouva une des premières puisqu’elle était chez Grimod de la Reynière, le fameux gourmet, dans l’hôtel qu’occupe aujourd’hui le cercle de l’Union artistique, plus connu sous le nom de l’Epatant. Rien n’est poignant comme le con traste de cette jeune femme qui ba dine, qui rit, qui ferme les yeux pour ne pas voir le feu, et qui, tout à coup, reçoit dans ses bras des blessés tout pantelants. J’ai vu au même endroit, il y a cinq ou six ans, juste devant l’obélisque, une charmante petite tille écrasée par une voiture de blanchisseuse, et le souvenir de ce vulgaire fait divers, m’est cependant resté profond. C’était au mois d’août, il était exactement midi, et la place déserte était blanche et aveuglante de soleil. Comment la pauvre enfant avaitelle eu la mauvaise chance d’aller tom ber sous les roues de cette voiture ? Cela est demeuré pour moi inexplica...
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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