Extrait du journal
La scène s’est passée hier au bureau de poste de l’avenue Bosquet. Un monsieur vient d’entrer et passe à une demoiselle, à travers le guichet, un mandat à toucher, plus deux enveloppes et une carte d’identité. La demoiselle (les yeux en l’air). — Ces en veloppes sont bien à vous ? Le monsieur (aimable). — Oui, Mademoiselle, si vous le permettez,... et le mandat aussi... La demoiselle (repoussant d’un doigt dédai gneux la carte d’identité du monsieur). — Ça ne vaut rien 1 Le monsieur (surpris). — Comment, ça ne vaut rien ! mais c’est ma carte de rédacteur ! La demoiselle. — Alors faites-la timbrer par la direction des postes... enfin, pour une fois, je veux bien fermer les yeux... Voyons ce mandat. (Elle examine le papier en tous sens, l’enfouit dans un carton et en regardant fixement le monsieur : — Vous êtes bien sur qu’il est à vous, ce mandat? Le monsieur (impatienté). — Voyons, made moiselle, je n’ai pas le temps de plaisanter, voulez-vous payer ce mandat, oui ou non ? La demoiselle (reprenant le papier, et dé signant au monsieur un petit coin du man dat qui, après avoir été coupé trop avant a été recollé). — Qu’est-ce que c’est que ça ? Le monsieur. — Ça, c’est sans doute un coup de ciseaux en trop que l’employé du bureau expéditeur aura réparé de son mieux. La demoiselle (triomphante). — Vous l’avez dit I Le monsieur. — Allons, tant mieux ! (ironi quement). Vous n’auriez pas maintenant une charade à deviner ou un rébus à vous faire expliquer. Préférez-vous que je vous récite une fable avant que vous ne mettiez la main à la caisse? La demoiselle (piquée). — Non, j’ai tout sim plement à vous dire que votre mandat est im payable. Le monsieur (furieux). —Comment, mademoi selle, mon mandat est impayable, parce qu’un de vos collègues a commis une erreur qu’il a réparée aussitôt du reste, ainsi que vous le con statez vous-mêmes? Mais c’est vous qui êtes impayable, parole d'honneur! La demoiselle (dont les yeux flamboient). — Si j’ai le temps ce soir, j’enverrai un avis au bureau expéditeur et dans trois jours, vous entendez bien, vous pourrez revenir toucher. (Elle referme son guichet avec un bruit de ton nerre en grommelant entre ses dents) : — Ah ! bigre ; si fallait s’mettre à la disposi tion de tout l’monde! — Raphaël Viau....
À propos
Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».
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