Extrait du journal
laient plus doucement, la cloche aigre du couvent la rappela à l'intérieur, c'était, l'heure du souper. En entrant dans le corridor du réfectoire elle trouva l'abbesse qui l'attendait, et lui dit d'un ton de petite autorité : — Ma sœur, vous avez été fort distraite aux Vêpres ; vous êtes restée as sise à tous les Gloria Patri et à la bénédiction ; déplus vous êtes allée vous promener seule dans les jardins de la communauté, ce qui est défendu par la règle ; je dois donc, par affection et prévoyance maternelle, vous imposer le souper au pain et à l'eau ; et, au lieu de venir dans la salle de récréation, vous monterez dans votre cellule aussitôt après le repas. Alors la supérieure indiqua à Berthe un cabinet assez sombre placé à côté du réfectoire, et dont la-porte ouverte laissait voir sur une petite ta ble un morceau de pain et un pot d'eau, puis elle s'éloigna. C'était bien indifférent à Berthe : elle s'assit devant la table, et, sans toucher à son pain, se mil, à rêver et à soupirer de nouveau; puis elle se retira dans sa cellule le plus tôt qu'il; lui fut possible. A peine arrivée là, elle fut attirée à la fenêtre par la rumeur que cau sait à l'hôtel Montbrison la présence des noces : elle apercevait les om bres passer devant les croisées; elle aurait voulu se rapprocher encore de ce'spectacle, en saisir les moindres échappées de vue et les bruits égarés. Une vieille tourelle du monastère étendait ses créneaux démantelés du côté de l'hôtel, dominait le jardin et regardait toute la façade intérieure. Berthe ira-t-elle se placer a ce poste favorable? Elle le peut : les reli gieuses viennent de se retirer dans leurs cellules, et les portes de cette "masure, habitée seulement par les oiseaux de nuit, sont toujours ouvertes.. Berthe monte en tremblant le long et tortueux escalier de la tour, mais elle arrive bientôt sur la plate formé ruinée. Elle s'assied sur la pierre brû lée par le soleil du jour. Delà, elle plonge dans l'hôtel ; elle voit le luxe nouveau qui s'y est introduit, et dont nulle parcelle n'avait jamais frappé ses regards. • — Et moi, disait—elle, moi, jamais je n'ai reçu la charité de la moindre parure ; jamais on n'a essayé si un bandeau de perles, des pendans d'o reilles éclàirciraieht un peu mon teint brun et me rendraient moins laide; jamais une robe élégante, jamais un brin d'or ni de soie pour ma taille, ja mais un peu de parure pour mes vingt ans... C'est pourtant bien doux et bien cher à cet âge quelques ornemens, quelques richesses de .toilette qui vous disent que .vous n'êtes pas un enfant abandonné de tous, déshé rité de tous les biens de la terre.. . Mais non. On m'a enfermée ici pour faire pénitence toute ma vie ; pénitence ! et de quoi? bon Dieu !...
À propos
La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.
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