Extrait du journal
Elle vient d’être fondée à Lille par les ora teurs du parti socialiste. La chose peut paraître un tantinet paradoxale et fantaisiste ; rien n’est plus vrai pourtant, et la décision prise par les membres du parti, si surprenante qu’elle puisse paraître à première vue, ne manque pas d’une certaine logique. On s’était évidemment aperçu depuis quelque temps de la vérité du vieil adage : « Trop parler nuit ». Dès qu’une mesure était proposée dans les plus mystérieuses parlottes révolutionnaires, toute la ville en était instruite. Des coreligion naires fervents, mais bavards, allaient colporter la bonne nouvelle à tous les coins de rue. On discutait la portée des phrases éloquentes prononcées à huis clos, l'efficacité des plans adoptés pour la transformation intégrale et instantanée de notre monde caduc. U ne s’agis sait plus que de mettre le feu aux poudres. Mais les hâbleries des conspirateurs sincère ment convaincus, dont les paroles coulaient de source, avaient pour premier effet de noyer la mèche. En présence de ce grave inconvénient, les gros bonnets du parti ont tenu une réunion secrète. Absolument secrète fut leur réunion, ce qui nous permet de faire connaître en tous ses détails le projet de réforme accueilli par l'approbation unanime des membres présents. Tout d'abord, on a créé un tribunal de cinq membres, sorte de conseil de discipline chargé de traduire à sa barre pour les rabrouer, tancer et réprimander, les membres du parti dont la con duite n'aurait pas été irréprochable. Les juges se ront sans pitié pour les membres trop bruyants qui auront divulgué dans les établissements pu blics les mesures prises dans les réunions. Pour ces faux-frères, doués d’une loquacité dangereuse, d’exemplaires châtiments ont été institués. Les dénonciations adressées au tribunal feront l’objet d'une enquête approfondie, et si les faits sont réels, les juges fermeront les bouches indis crètes en rayant les coupables de la liste du parti. Que les adhérents donnent avec trop d'ardeur une approbation verbale aux actes de leurs chefs, et ils auront, par ce fait même, cessé d'adhérer. Une autre question, un peu différente, bien qu’au fond elle rentre dans le même ordre — ou désordre — d'idées, a été résolue eu ce mémorable palabre. I,e nombre des membres payants s’élevant déjà à seize cents et menaçant de croître, un stage de trois mois sera imposé aux nouveaux adhérents. Pendant ce stage, ils pourront pren dre part aux réunions, mais il leur sera interdit de parler et de voler. Ils seront réduits au mélan colique rôle ùe figurants. Immobiles sur leurs sièges et les mains sur les genoux, dans une pose hiératique, ils subi ront (tendant des heures une averse de phrases, une véhémente bourrasque de discours, sa us né gliger de tenir en bride leur folle envie de pren dre à leur tour la parole, et d’exprimer énergi quement leur opinion eu déposant un petit pa pier dans l’urne. N est-ce pas simplement et franchement co mique ? Peut-on citer un gouvernement dictatorial ayant imposé une telle contrainte à ses sujets? Les socialistes qui ont pris cette extraordinaire mesure possèdent, sur la liberté humaine, des notions véritablement bizaires. Leur liberté se cache, se tapit, met un doigt sur sa bouche, n’ouvre les lèvres que pour dénoncer ceux qui parlent. N’est-ce pas le cas de s’écrier : « O Liberté, que de sottises l’on commet en ton nom ! » Albert Tournaire....
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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