Extrait du journal
J’étais un jour dans un omnibus, lorstpi'entra une vieille dame avec un tout petit garçon. L’omnibus était à peu près complet et n’offrait qu’une seule place vide. Le petit garçon, gâté, comme le sont tous les tout petits garçons par leurs grand mères, et tous les ministres complaisants par leur majorité, était rouge de fureur. Qu’avait-il ? On ne sait. Mais ce qu’on sait, c’est que, mon trant la place vide, il cria à la vieille dame : — Je ne m"v mettrai pas, tu entends ? Tout l’intérieur éclata de rire, d’au tant qu'il fallait bien que le petit mon sieur se mît à cette place, puisqu il n y en avait pas d'autre. Je regrette, étant donné mon respect bien connu pour les autorités, d être obligé de constater que le gouverne ment est salué par les mêmes éclats de rire qui accueillirent la déclaration de mon petit garçon. Ce n'est pas, pour ma part, que je blâme le gouvernement d'avoir accordé tout ce qu’on lui demandait, pas plus que je ne blâme le petit garçon de s’ê tre assis à l'unique place libre, puisque ni l’un ni l'autre ne pouvaient faire au trement. Ce qu’ils n’auraient pas dû faire, c’est de jurer qu’ils ne feraient jamais ce qu'ils ont été obligés de taire. Il est bien difficile d'éviter le ridicule lorsqu’on s'écrie, comme le Matamore £e la comédie, qu'on va pourfendre l’u nivers, et pénétrer dans la Lune et que devant une attitude sérieuse on s’em presse de s'excuser, en disant : « Du moment où vous le prenez de la sorte je suis prêt à vous satisfaire. » De quelque côté que l’on considère l’événement, il apparaît très instructif pour tout le monde. 11 démontre irréfu tablement la fausseté de la maxime : Plus fait douceur que violence. Si les postiers s’étaient contentés d'attendre sur les escaliers ministériels, ils n’eus sent pas tardé à en dégringoler. Ils ont montré le poing, et passé à l’action ; ils ont tout obtenu. A bon entendeur, sa lut. Croyez que chacun sera, désormais, bon entendeur. On n'a que ce qu'on prend. Ce n’est pas seulement le royau me des cieux qui souffre violence. Ceux de la terre ne se conquérant pas d'une autre manière. Le droit est où est la force, et ne sau rait être ailleurs. Or, le gouvernement n'est plus la force. Aussi est-il plaisant, quand il prend ses grands airs, parle tie rebelles et de rébellion, et prétend intimider les gens en les menaçant de leur faire mordre la poussière, il n'a pas plus tôt achevé, qu’il trousse son manteau et prend une fuite prudente. Pourquoi essayer de tromper ceux qui vous rient au nez, et qui connaissent votre impuissance ? Il n'est jamais avantageux d’entreprendre une tâche qu'on sait ne pouvoir accomplir. Il est très curieux de voir ceux-là même qui ont contribué à opérer cette transforma tion ne pas vouloir croire qu’elle ait eu lieu et tenter de gouverner comme on gouvernait avant eux. Mais, c’est fini, tout cela 1 Comment ne le voyez-vous pas ? Vous avez fait tout ce qu’il était humainement possi ble de faire pour que l’autorité chan geât de place. Vous avez réussi. Et à présent vous la cherchez où elle était, et d’où vous l’avez ôtée. Donner et re tenir ne vaut. On vient de vous le prou ver, et on vous le prouvera encore. Il serait vraiment trop commode de passer sa vie à dire aux gens « C’est yous qui devez être les maîtres », puis, quand ils vous ont porté à la bonne pla ce de rectifier en disant : « Je m’étais trompé ; c’était bon quand il s’agissait des autres ; mais à présent qu’il s’agit de moi, mon opinion est tout à fait dif férente. » — Cela peut être, répondent les inté ressés ; mais la nôtre n’a pas changé. Tnous avons profité de vos leçons, et croyons fermement aujourd’hui ce que Vous nous avez appris à croire hier. N’ayant pas les mêmes raisons que vous pour modifier notre conviction, vous {trouverez bon que nous la gardions. Il est, d’ailleurs, beaucoup trop tard pour revenir sur l’œuvre accomplie. Il fut un temps où les fonctionnaires n’au raient jamais supposé qu’ils pussent s’entendre étroitement et se coaliser au point de disposer à leur volonté et de leurs supérieurs et de l’administration. Aujourd’hui, cela est acquis, et ce qu’ils H’auraient osé imaginer, est devenu une réalité. Le verbe s’est fait chair ; et il continuera à habiter parmi nous. Il n’est plus aujourd’hui permis à nn...
À propos
Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.
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