Extrait du journal

de la Seine a prononcé à l’ouverture de la nouvelle ses sion du conseil municipal. L’objet de ce discours était d’établir que le principe de l’élection ne saurait être appliqué au corps municipal d’une capitale comme Paris, et accessoirement de nous faire savoir que le ré gime actuel devrait être considéré comme définitif et nullement transitoire. A l’appui de son argumentation, M. Haussman a fait de Paris un tableau où ce n’est pas la fantaisie qui manque. Selon M. Haussman, Paris à proprement par ler n’existe pas. C’est un grand caravansérail à l’usage de la France, de l’Europe et du monde entier. Sa popu lation se compose pour la plus grande partie d’étran gers, de nomades, d’ouvriers venus pour chercher du travail, de gens attirés par l’espoir de faire fortune, d’existences déclassées, de paradoxes en paletot. Une telle population naturellement manque de lien et d’u nité, elle n’a pas d’intérêts municipaux communs à tous ses membres. En un mot il y a bien deux millions de gens qni habitent Paris, mais dans cette foule il n’y a pas de Parisiens dans le sens positif du mot, ou bien il y en a si peu que ce n’est pas la peine d’en parler. Voilà pourquoi ils n’éprouvent nullement le besoin d’é lire eux-mêmes leurs administrateurs municipaux. Nous croyons volontiers avec M. Haussmann que cette foule d’étrangers que les chemins de fer apportent tous les jours à Paris, que ces nomades qui se succè dent dans la capitale, attirés par les ambitions les plus diverses, n’ont rien à voir dans la composition de la commission municipale, et même qu’ils s’inquiètent fort peu de ce qui s’y passe ; mais d’un autre côté on ne voit pas trop pourquoi M. Haussmann les fait entrer en ligne de compte. La plupart, ne remplissant pas les conditions imposées par la loi, ne sont pas électeurs, et leur nombre est du reste très restreint comparativement à celui de la véritable population parisiennne, laquelle existe très réellement, quoi qu’en dise M. le préfet de la Seine. À qui donc appartiennent toutes ces maisons, et ces boutiques, et ces magasins dont l’énumération fatigue la statistique? Ce n’est pas sans doute à ces nomades dont parle M. Haussmann, à ces Limousins qui viennent tailler les moellons, à ces inventeurs attirés par le fol espoir d’exploiter leurs brevets, à cesétudians qui vien nent chercher un diplôme de docteur. J’aime à croire que maisons et magasins ont des propriétaires sérieux, et il me semble que ces propriétaires forment bien ce qu’on appelle un corps de bourgeoisie tenant au sol de la ville, et que, par conséquent, les intérêts municipaux ne leur sont pas aussi étrangers que M. le préfet veut bien le dire. 11 y a du reste ici une anomalie flagrante. Paris ne nomme pas ses magistrats municipaux parce qu’il n’y a pas de Parisiens. Mais comment se fait-il alors qu’il envoie des députés au corps législatif? 11 est vrai qu’on parle depuis quelque temps, surtout depuis les derniè res élections, de supprimer la représentation politique de Paris. Nous ne savons ce qui en est au fond, mais cette mesure serait un corollaire logique du discours de M. le préfet de la Seine. 11 n’y a qu’une voix pour applaudir au décret qui porte le coup de grâce à ce malheureux système de...