Extrait du journal
11 n’est pas sans intérêt, croyons-nous, de revenir sur cette question du colportage, qui est une des plus grosses erreurs du gouvernement. Au théâtre il y a des scènes qui ne manquent jamais leur effet, des mots qui soulèvent infailliblement le public ; c’est au point que je ne sais plus quel acteur célèbre paria un jour de chanter en scène un couplet n’ayant pas ombre de sens, mais terminé à chaque rime par un de ces substantifs ronflans qui accouplent la gloire à la victoire et le nom Français au succès. Le pari fut tenu, le couplet chanté. — Bis ! bis ! hurla le parterre en délire. Sauf le respect que nous lui devons comme ministre, ce qui ne nous saurait empêcher de le juger et de le critiquer comme orateur banal, M. Rouher nous parait avoir érigé en système l’aventure du couplet ci-dessus. Peu lui importe la question traitée. On a raison, il a tort, il le sait. Bagatelle! Il escalade les marches de la tribune : — L’ordre! la propriété ! les bases inébranlables!... L’union fait la force!... Nous combattrons la révolu tion!... Quand c’est fini on recommence. L’autre jour, à propos du colportage, M. Rouher a renouvelé la même scène en ajoutant une corde à sa guitare : la corde de la morale. On eût dit une romance d’album : Voyez sur celte roche Cet homme à l’air fier et hardi... avec cette variante : Voyez sur cette place Cet homme qui s’en va là-bas, Portant un ballot sous son bras, Marchant à petits pas. Cet homme, mesdames et messieurs, c’est un col porteur. Et vous voudriez que nous lui permissions (à moi les imparfaits du subjonctif !), que nous lui per missions d’empoisonner des familles entières, que nous tolérassions cet agent de dissolution, que nous souffrissions qu’il déflorât le cœur de nos jeunes filles, qui deviendront de jeunes mères ! Non ! mille fois non ! cent fois non ! La vertu est une base inébranla ble, elle aussi... J’ai dit, applaudissez 1 Et on applaudit en effet. Eh bien, je suis désolé d’être obligé de le lui dire, M. le ministre d’Etat n’a pas dit un traitre mot de la question véritable. S’il s’agissait en effet de proscrire uniquement ces immondices de la littérature qui sont faites pour le tombereau des boueux, tout le monde serait d’accord ; le parti libéral le premier réclamerait la proscription# Mais la commission de colportage n’est, à vrai dire, qu’un instrument politique. Présentez-lui une œuvre d’une morale irréprochable, mais dans laquelle vous vous permettez de trouver que nos gouvernans ne sont pas tous des Sully ou des Colbert, l’estampille vous sera amoureusement refusée. Présentez, au contraire, un livre qui. donne à la ttmme morale des entorses bien caractérisées, mais où soient chantés des Te Demi bruyans en l’honneur u pouvoir et de ses agens, vous pouvez être sûr d’a...
À propos
Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.
En savoir plus Données de classification - rouher
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- parti libéral