Extrait du journal

Je 11e puis pas ouvrir un journal sans y lire entre au très nouvelles que l’on se prépare à bâtir quelque chose dans les Champs-Elysées. Comme c’est agréable pour ceux qui à mon exemple se sont retirés aux ChampsElysées dans le seul espoir d’y jouir d’un peu d’air et de verdure ! Seulement tous les nouvellistes ne sont pas d’accord sur la chose que l’on veut bâtir. Les uns parlent de transporter l’Opéra dans ces mal heureux Champs-Elysées. Les autres veulent y construire un théâtre populaire dans de colossales dimensions, Ceux-ci d’immenses restaurons, Ceux-là une vaste salle de concert, assez vaste pour contenir sept mille choristes. Ces derniers sont vraiment les {Jus terribles. Outre qu’une salle si grande s’emparerait dit terrain sans au cune discrétion, que deviendrions-nous avec sept mille choristes dans notre voisinage? Enfin, monsieur, on dirait que c’est en ce moment une rage générale de bâtir et tous ceux qui sont atteints de cette rage-là en ont encore une autre qui consiste à vou loir se jeter sur les Champs-Elysées. Arrêtez en effet le premier venu qui passe dans la rue et demandez-lui à quoi il songe. Vous pouvez être sûr qu’il vous répondra : — Monsieur, je songe à doter la villo de Paris d’un établissement qui lui manque depuis trop longtemps et dont le besoin se fait généralement sentir. Quel est cet établissement? Une maison de bains, Une halle aux jambons, Un jeu de paume, Un nouvel hippodrome, Une gigantesque buanderie, Un tir à l’arc Ou quelque autre chose d’analogue et de non moins indispensable. Demandez-lui encore où il compte loger son établis sement. Il vous répondra sans la moindre hésitation : — Mais aux Champs-Elysées donc! il faudrait être-fou pour songer à le mettre ailleurs. Comme vous le voyez, c’est une manie générale et il faut nous attendre à une véritable invasion de barbares qui viendront porter la pioche dans nos allées et déraci ner nos pauvres arbres. C’est en vain que l’on essaierait de leur faire entendre raison. Ainsi hier je causais avec un monsieur qui veut absolument construire aux Champs-Elysées 1111 tir à l’arc dans des dimensions colossales, à l’instar des anciens cirques romains qui contenaient toute la population d’une ville. Je veux {dus encore, disait-il, je rêve une construc tion cyclopéenne. — Mais qui fréquentera ce tir à l’arc? — Ua population ouvrière; cet établissement lui ser vira de gymnase, et il lui est expressément dédié. —■ Mais la population ouvrière n’habite guère dans les environs des Champs-Elysées. — Qu’importe ? — Elle ne voudra j»eut-être pas se déranger? — Erreur— Elle y regardera à deux fois avant de se décider à venir du fond du faubourg Saint-Antoine. — Au contraire ; elle viendra d’autant plus que ce...