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Le Charivari, 28 novembre 1865

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Le Charivari
28 novembre 1865


Extrait du journal

Proh pudor ! Où allons-nous? que devenons-nous? L'Union en est blême, la Gazette de France en est verte, et le Monde même en pousse de longs gémissemens. C’est la réception des ouvriers italiens par VictorEmmanuel qui cause à ces nobles feuilles de si pieuses indignations. Et là-dessus voilà les correspondans bien informés de la sainte ligue qui s’en donnent à cœur joie. « Une des députations ouvrières, écrit l’un d’eux que nous transcrivons textuellement, s’est présentée au pa lais royal avec son président en tête. Fi ! des formules de la cour ! on a tutoyé le roi, on l’a appelé Victor tout court dans la harangue. Et le roi, loin de se formaliser de la chose, a été si enchanté que l’audience qu’il a donnée à cette députation a été bien plus longue que celles qu’il a accordées aux grands corps de l’Etat. La réponse royale a été épicée ; Victor tout court a parlé de guerre prochaine, d’achèvement de lrindépendance italienne et d’autres choses de haut goût. » Dieu ! qu’en termes galans ces choses-]à sont mises ! Pourquoi ne pas avoir imprimé tout de suite qu’on avait appelé le roi citoyen. Le tutoiement et le Victor tout court ont d’ailleurs déjà pas mal de charmes. Les journaux blancs n’ou blient qu’une chose, c’est que ces formules viennent directement des plus grands courtisans du plus grand siècle de la courtisanerie. Quand ses hardes assermentés apostrophaient Louis XIV, c’était toujours de celte façon-là. On l’appelait Louis tout court, lui aussi. Et on le tutoyait ! Voir ce cher Boileau, — et toute la bande des adula teurs ! Vous accusez donc tout simplement de lyrisme les ouvriers italiens. Maladroits ! Maladroits surtout parce que vous laissez voir le bout de l’oreille. Mais si Victor-Emmanuel est, comme vous le voulez faire croire, dépassé par la démagogie, si son pouvoir est menacé, ébranlé, tutoyé, comme vous le dites, pour quoi vous indigner? Il faut vous réjouir au contraire. Il faut non pas allumer des foudres, mais des cierges. Il faut rendre grâce au ciel et prier le cardinal Antonelli de dire des messes de reconnaissance. Gomment ! Votre ennemi, celui que vous honnissez depuis des années est sur le point de devenir la proie de la révolution. Son trône chancelle, dites-vous. Et vous prenez l’air sombre pour le dire. Bien naïfs vous êtes, mes bons amis. Le public ne peut être dupe de cette manœuvre. Il comprend que si votre mine se renfrogne c’est parce que les choses se passent tout autrement que vous le dites. Parce que Victor-Emmanuel, au lieu d’être compro mis par la démagogie, est simplement protégé par ta popularité. Voilà ce qui vous irrite. Voilà ce qui vous horripile. Avouez-le donc, ce sera plus simple et plus sincère. D’ailleurs, toute dissimulation et superflue*...

À propos

Fondé par Charles Philipon en 1832, Le Charivari fut le premier quotidien satirique illustré au monde. Régulièrement poursuivi pour sa critique de Louis-Philippe, le journal disparaît néanmoins bien plus tard, en 1937.

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Données de classification
  • désaugiers
  • dupanloup
  • u. lodis
  • antonelli
  • boileau
  • pierre véron
  • françois ii
  • janin
  • dupin
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  • france
  • horace