Extrait du journal

V'o' V * La Gazette de France a reçu la lettre suivante -écrite en italien, nous en donnons la traduction. Monsieur le rédacteur. Arrivé avant-hier au régiment, on m’a mis tout de suite à l’exercice à la piémontaïse. Voici en quoi il consiste : Un mannequin est placé au milieu de la cour de la caserne : le premier temps consiste à tirer un pistolet de sa poche et à faire un pas vers le mannequin. Second temps : on fait un second pas en tendant le pistolet. Troisième temps : on appuie le pistolet sur la poi trine du mannequin en disant : La bourse ou la vie ! C’est ce qu’on nomme l’école du mannequin. Vient ensuite ce que nous nommons familièremenl l’école de la guimbarde. Une voiture est lancée à toute vitesse dans le champ de Mars, il s’agit d’arrêter les chevaux, de faire descen dre les voyageurs, de vtsiter la voiture et d’emporter les effets mobiliers et immobiliers dans un espace de temps déterminé par le règlement. Il arrive parfois qu’on met d’autres conscrits dans la voiture avec ordre de se défendre. C’est ce qu’on ap pelle la petite guerre ; ce sont toujours les gens sur la défensive qui sont battus. Quelle que soit la répugnance des recrues, il faut, sous les peines les plus sévères, qu’elles se livrent à ces exercices; le bâton, le fouet, le knout font immédiate ment justice de la moindre velléité de résistance, sans compter la privation de nourriture. A peine au régiment, chaque conscrit sachant lire reçoit un petit livre intitulé : Manuel du soldat piémontais par demandes et par réponses. — Que fait-on à un voyageur qui refuse son argent? — On le tue. — Est-il permis de couper les oreilles au voyageur? — Oui, si c’est un ami du pape. — Une fois en campagne, que doit faire le soldat? — Voler. — Et après? — Incendier. — Et ensuite? — Violer. — Est-ce là tout? — Il doit s’exprimer de façon à faire croire qu’il est soudoyé par le pape et par le roi de Naples. Matin et soir on vous fait réciter ce manuel, et quand vous le savez entièrement par cœur vous passez immé diatement dans une compagnie d’élite. Ce qui va suivre vous donnera une idée du service. Ce matin mon escouade composée de huit hommes, d’un sergent et de deux caporaux est partie pour rele ver le poste de San-Gregorio. Je croyais qu’il touchait aux portes de la ville; pas du tout, nous nous sommes engagés dans une forêt, de la forêt dans la montagne. J’ai demandé où était le poste : on m’a montré une caverne devant laquelle était rangée une escouade sem blable à la notre. Après avoir échangé le mot d’ordre et procédé ensemble à la visite de la caverne, les deux sergens ont commandé un mouvement différent à leur peloton. En entrant nous avons dû échanger notre sabre con...