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Le Gaulois, 21 février 1928

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Le Gaulois
21 février 1928


Extrait du journal

Au dix-septième siècle, les divertissements du carnaval, à Paris, avaient leur rendez-vous dans la rue Saint-Antoine : c'est là que Mardi-Gras, autre ment dit Carême-Prenant, tenait ses assises. De tou tes les parties de la ville, ses joyeux suppôts y arri vaient avec une matinale diligence. Ce jour-là, le Cours-la-Reine était désert ; les carrosses dés Céli mènes et des Dorantes gagnaient à l'envi la place Baudoyer, et, sans prendre la file, montaient dans le faubourg jusqu'à l'hospice Saint-Antoine, au milieu ci une confuse cohue de déguisés, de curieux, de marchands ambulants vendant des gâteaux et des masques. On allait, on venait, on s'attaquait de mille manières ; il y avait des chocs en tous sens, voire des culbutes. Les éclats du « parler gras », les cris des enfants, les violons, fifres et tambourins for maient un concert digne de la fête. Le gazetier Loret, dans Sà. Muse poétique de 1665, nous donne une idée de la diversité des masques qui égayèrent le carnaval de cette année, et il énuroère force Chinois, Albanais, bergères, amazones, haran gères, paysannes, clercs, sergents, gorgones, farfadets, sans oublier de nous décrire les « gens à cheval dos à dos », les « carrosses couverts de gazes » et les « chariots triomphants, tout remplis de tendres fillet tes ». Mais les estampes de l'époque nous renseignent mieux, et de façon plus vivante. Beaucoup d'entre elles représentent les scehes du mardi gras à l'endroit le plus large de la rue SaintAntoine. Des marchands forains, établis sous des tentes, garnissent le devant des beaux hôtels ; la foule des masques se presse sur la chaussée. Dans la variété des costumes se distinguent les Scaramouches, recon naissables à leur long nez et à leur sabre de bois : les uns pirouettent en se donnant des airs dans les plis de leur petit manteau ; les autres raclent un violon désaccordé, le classique crin-criï? La Cour ne dédaignait pas de prendre part aux réjouissances du mardi gras. Le Roi tout le premier se divertissait aux bals masqués, et, à ce propos, une piquante anecdote figure dans L'Histoire de la Danse, du sieur Bonnet, ancien payeur des gages au Parle ment. « Le Roi, qui se plaisait à courre les bals incognito, raconte Bonnet, fut à celui du président de N., a vec un cortège de trois -carrossées de dames de la Cour ; toute la livrée était en surtout gris, pour n'être pas reconnue. Les suisses, qui avaient ordre de ne laisser entrer les masques que par billets, refusèrent l'entrée à la bande du Roi, quoique ce fût une heure après minuit. Sur ce refus, le Roi ordonna de mettre la feu à la porte ; aussitôt la livrée alla chercher une douzaine de fagots chez un fruitier ; on les dressa contre la grande porte èt on les alluma. Les suisses, épouvantés de cette hardiesse, allèrent en avertir M. de N., qui ne balança pas d'ordonner d'ouvrir toutes lès portes, se doutant bien qu'il fallait que ce fussent des personnes de la première qualité pour oser une action aussi hardie 1 Alors, le cortège entra et l'on vit paraître au bal une bande de douze masques parés magnifiquement, tenant un flambeau d'une main et l'épée de l'autre, de sorte que cela inspira le respect à l'assemblée. M. de Louvois, qui était de la troupe, tira M. de N. à part, et, s'étant démasqué, lui dit qu'il était le moindre de la compa gnie. Ce fut assez pour obliger M. de N. à réparer sa faute ; il fit apporter dans le bal de grands bassins de confitures sèches et de dragées ; mais Mme de Montpensier, qui dansait dans ce temps-là, donna un coup de pied dans l'un des bassins qui le fit sauter en l'air. Cette action alarma M. de N. Mais le mal n'alla pas plus loin, par la prudence du Roi, qui calma le ressentiment des princes et des princesses de sa suite du refus de l'entrée du bal. De sorte que tous sortirent sans se faire reconnaître, après avoir dansé autant qu'ils le voulurent. » A. de Bersaucourt...

À propos

Lancé par Edmond Tarbé des Sablons et Henri de Pène en 1868, le journal de droite Le Gaulois se définit comme un « journal des informations du matin et moniteur de l’ancien esprit français ». Sans surprise, son lectorat, assez limité, appartient essentiellement à la grande bourgeoisie. En 1929, le journal est absorbé par Le Figaro.

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