Extrait du journal

chargés de défendre les intérêts de deux grou pes d’actionnaires qui se portent partie civile. les mous ni u lirai Il y a, dans un procès récent, échappé à une simple concierge, un mot qui m’a sin gulièrement frappé. Un chevalier d’indus trie du nom de Frad qui, d’ordinaire, re gardait comme au-dessous de lui de vo ler lui-même, s’étant oublié sans doute, ce Jour-là, avait été surpris aux cour ses, fourrant sa main dans la poche d'un habit à sa portée et en tirant une liasse de billets de banque. Ce n’était pas le volé qui s’en était aperçu ; mais une brave femme, qui l’avait suivi de l’œil, admirant sans doute avec quelle dextérité l’opêrailon était faite. Elle l’avait dénoncé ; on lui avait mis la main au collet ; on avait reconnu en lui un dangereux filou, et il avait comparu en police correctionnelle. Le témoin principal à charge, c’était naturellement la femme, qui, de son état, se trouvait être concierge: Elle se met donc à conter l’histoire. — J'étais donc aux courses, dit-elle. — Ah ! vous allez aux courses ? interrom pit l’avocat du prévenu. — Oui, quand ça me fait plaisir. — Et pendant ce temps-là, qui est-ce qui garde votre loge? — Ça, c’est l’affaire du propriétaire ; ca ne vous regarde pas. Bien envoyé, concierge. Tout l’auditoire partit de rire et j’imagine que les austères magistrats, eux-mêmes, eurent quelque peine à garder la gravité professionnelle de leur visage. L’avocat avait son compte, et plut à Dieu que tout témoin pût aDisi donner le sien à un avocat qui le prend à partie et le chi cane. Vraiment les avocats abusent du droit qu'ils ont de tout dire et de tout faire à la barre. Comment, voilà une concierge qui avait fait son devoir en dénonçant un vo leur et en le forçant à restituer au volé une somme assez importante ! Elle s’érait exposée aux insultes du filou, qui n’avait pas manqué de le prendre très haut avec elle, et d’ameuter la foule contre ses allé gations. Elle avait affronté l’ennui d’aller déposer chez le commissaire, puis chez le juge d'instruction, puis- à. l’audience, de perdre ainsi trois tournées de travail : elle avait bravé les insultes des amis du che valier d’industrie qui, au sortir de l'au dience, la poursuivirent de quolibets, et qui iront peut-être la relancer dans sa loge. Elle avait passé outre à toutes ces raisons de se taire. Il semblerait qu’au tribunal, du moins, elle devrait être protégée par la justice, à qui elle a rendu un signalé ser vice. Point du tout. Elle vient déposer contre le prévenu.on la livre donc en proie à l’avocat du prévenu. Vous sentez bien l’effet d’au dience que préparait celui-ci, quand il de mandait. malicieusement à cette concierge, qui gardait sa loge, tandis qu’elle allait aux courses. « Eh quoi ! messieurs, se serait-il écrié, si elle avait donné dans le panneau, si elle s’était laissé aller à conter ses petites af faires, vous croyez à l’affirmation d’une femme, qui n’a pas le respect de son métier ! qui dépense au jeu le temps, et qui sait ? peut-être.l’argent qu’elle doità son proprié taire. Une joueuses, messieurs, savez-vous ce dont unejoueuse est capable?Pensez-vous qu'elle puisse ne pas voir trouble dans la surexcitation que cause l’espoir du gain ou la crainte de la perte. Mais regardez donc...