Extrait du journal

Le fait est toujours bon à constater, mais aujour d'hui il est encore meilleur à signaler,ôtant donné le bruit que firent les monarchistes, il y a quel ques jours, autour du succès obtenu à Castres par un de leurs candidats. Nul doute, en effet, que si M. Corne eût battu son concurrent, les royalistes n'en eussent tiré des conclusions exagérées, pro pres à jeter quelque inquiétude dans l’esprit des gens timides jugeant toujours la situation sur un seul indice, sur un simple résultat, sans vouloir remonter aux causes ; gens qui, en politique, for ment hélas ! la majorité. Il n’est que trop vrai, que nous avons une faci lité regrettable à nous alarmer du moindre inci dent et à faire de chaque cas particulier un cas général, alors même que ce cas unique est en contradiction complète avec mille autre cas ana logues. De ce que les républicains ont perdu la bataille électorale dans l’arrondissement de Cas tres, bien des gens en ont conclu que l’idée répu blicaine perdait du terrain en France et que l’idée monarchique faisait des progrès sensibles. Pourra-t-on tirer la même conclusion de l’élec tion de Moulins? Fort heureusement non; on devra même remarquer, d’après les chiffres du scrutin j de dimanche, comparés à ceux de la précédente élection, que l’idée républicaine est en sensible progrès dans l’arrondissement, puisque M. Datas n’avait été élu, lors du dernier scrutin, que par 4,456 voix, tandis que M. Bruel a été élu par 5,999 voix. C’est donc un gain de 1,500 voix fait dans l’espace de trois ans. Mais il y a une autre conclusion à tirer de cette élection dans laquelle l’écart entre le chiffre des voix du candidat républicain et du candidat mo narchique a été de plus de onze cents voix. Cette victoire si brillante n’a été obtenue que grâce à l’union et à la discipline des républicains dans l’Ailier; il n’est pas douteux que s’ils eussent suivi l’exemple des républicains de Castres, M. Corne aurait été élu. La leçon a donc profité aux électeurs de Mou lins; puisse-t-elle servir aux électeurs de tous les collèges, chaque fois qu’ils seront en présence d'un candidat monarchique. Il est certain que chaque fois qu’ils auront à se prononcer entre la royauté et la République, ils n’hésiteront pas à ' donner leur préférence à cette dernière. Mais il faudra pour cela qu’une bonne fraction d’entre eux fasse abnégation, sinon de ses principes, du moins de ses préférences personnelles. C’est ce qui est arrivé à Moulins, où les républi cains modérés, les républicains conservateurs, ont voté avec les radicaux les plus avancés pour M. Bruel. Il est vrai qu’en l’état M. Bruel, quoique ayant accepté un programme nettement radical, n’en est pas moins un fort galant homme, très aimé et très estimé à Moulins où il remplit les fonctions de maire, et où il ne passe pas pour être aussi rouge. De sorte que c’est l’homme qui a fait passer le programme et non le programme qui a fait passer l’homme. 11 n’en reste pas moins vrai pour ceux qui ne voient que les faits et qui ne peuvent entrer dans toutes ces considérations locales, que, quand les monarchistes ne triomphent pas dans les élec tions, ce sont les radicaux qui l’emportent, et que les républicains modérés, les républicains con servateurs, ceux qui sont censés être à la tête du pays, n’obtiennent en réalité que des échecs élec toraux. Les adversaires de la République, ceux-là même auxquels les électeurs viendront d'infliger un échec, trouveront alors un moyen fort simple de...