PRÉCÉDENT

Le Petit Marseillais, 10 janvier 1888

SUIVANT

URL invalide

Le Petit Marseillais
10 janvier 1888


Extrait du journal

petite en serait-elle à aimer mon fils à ce point ! Alors, faisant appela toute son habileté, elle ajouta tout haut: — Pardonnez-moi, ma chère enfant, de vous donner l'ennuyeux spectacle d’une vieille femme qui pleure. Que voulez-vous ? On rêve à tout âge. Dieu sait si le rêve de mes vingt ans s’est accompli! Je sens qu'il en sera de même de celui de ma vieillesse. Mon pauvre Gaston est si peu digne de vous ! Henriette soupira et détourna la tête. Elle savait bien, la malheureuse, lequel des deux était indigne de l’autre. Il lui lallait presque faire un effort pour ne pas le crier à Mme de Reygnae. — Oh ! Madame, répondit-elle avec une in flexion de voix touchante, ne dites pas cela! — Certes, reprit la comtesse, continuant sa marche en avant, mon fils n’est indigne de per sonne. Mais, d’après le langage du monde, la différence des fortunes est la barrière la plus infranchissable qui puisse se dresser ici-bas entre deux êtres. — Non, répondit Henriette. J’en connais de plus difficiles a franchir. Vous ne savez pas tout, Madame. Croyez-moi, ne me parlez plus jamais de ce qui est impossible. — Ce ne serait pas impossible, si vous aimiez mon fils. — Par grâce, dit Henriette, n’insistez pas. Vous ne vous doutez pas de tout ce que vous me faites souffrir, de tout ce aue vous remuez dans le passé. J’ai commencé à souffrir bien jeune. Toutefois n’emportez pas cette idée que je refuse votre fils et que je le refuse parce qu’il est pauvre. Si, demain, je pouvais être sa lemme, c’est moi qui bénirais Dieu. Là-dessus, Mu» Loidreau, qui semblait fort agi tée, demandasa voiture et partit,non sans avoir embrassé Mme de Reygnae de façon à lui faire voir qu’elle n’était point fâchée contre elle. Restée seule, la comtesse mit de côté toute son émotion vraie ou lausse, et réfléchit sérieuse ment. Elle ne manquait, certes, ni de jugement ni d’intelligence, mais les femmes perdent la netteté de leur jugement quand il s agit d'une chose souhaitée avec passion. Elles confondent «lors leurs désirs avec les bonnes raisons et...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

En savoir plus
Données de classification
  • margaine
  • loidreau
  • arnoux
  • compayré
  • loubet
  • mackensie
  • verninac
  • thévenet
  • martin nadaud
  • madier de montjau
  • italie
  • gaston
  • henriette
  • suisse
  • bismarck
  • paris
  • allemagne
  • russie
  • paul
  • autriche
  • sénat
  • parlement
  • armées russes
  • russie sa
  • droite