Extrait du journal
SUICIDE DE VIEILLARD Les drames qui se iouent autour de l'hôpital me touchent \e cœur. Je pense que vous êtes comme moi et que vous n’avez pas lu sans angoisse l’aven ture de ce pauvre homme (il s'appelle, je crois, Marcel Dussieu, c’est un ancien infirmier militaire) qui, s’ôtant vu refuser la porte d’un hôpital pari sien où. faute de lit, on refusait d’ac cueillir sa pleurésie,a sauté par-dessus le quai, dans la Seine. Ceux qui avaient repêché ce désespéré l’ont ramené à l’hospice où tout d’abord on avait refusé de le recevoir. Cette fois, il a été admis d’urgence. Bien des gens trouveront ù cette histoire un côté comique; à moi, elle me semble lugubre. Croyez-vous que, nous tous, bourgeois, nous dormirions ?i tranquilles si nous savions qu’en ces jours d’hiver des infortunés comme ce Dussicu. de pauvres gens tout à fait usés, qui, parfois, ont été de braves gens, qui. en tout cas, deviennent sacrés, puisqu’ils sont vieux et sans secours, n’ont pas, pour mourir, où reposer leur tête. Tout le monde s’en remet à l’Etat, aux municipalités, à l’Assistance publique, du soin d’éviter de tels crimes. Mais l’Etat, les municipalités, l’Assistance publique, tout cela est anonyme, et le malade, le pauvre, n’aperçoit ces entités que sous les traits de l’homme qui lui ferme la porte au nez et lui dit en le repoussant : — Vous n’êtes pas malade, puisqu’il n’y a plus de place! Et alors, le vieil infirmier militaire, qui a passé sa vie à soigner les autres, va se jeter à l’eau. Une société où ces avcntures-là sont possibles a raison, n’cst-cc pas, do gracier, après quinze ans de bagne,un enfant égaré qui a écrit une page déclamatoire contre ceux qui oublient, dans le plaisir, les souffrances du pro chain. Je dînais, l’autre jour, avec le direc teur d’une de nos plus importantes ins: titillions de crédit, un homme qui n’est rien moins qu’anarchisle. Il disait : — Les révolutionnaires les plus tur bulents, les gens qui se proposent d’aller chercher leur député au bagne, sont indispensables à l’évolution du progrès.Ce n’est pas le bien qu’ils veu lent, c’est le (rouble. Mais nous autres, bourgeois, nous ne songeons qu’au repos et nous serions tout a fait engourdis dans notre bien-être,si l’in quiétude ne nous faisait pas ouvrir les yeux sur les injustices criantes. Cet homme parlait comme un sage. On fait une bonne action en disper sant au loin de telles paroles ; elles peuvent tomber sur les pierres ; elles seront aussi reçues par de la bonne terre qui fera mûrir leur grain. Certes, tout le monde a un mouve ment d’empressement vers les ber ceaux oùdepetitsenfants grandissent. On sent que l’espoir de la race est déposé là. Jamais on n’est las de donner et de donner encore pour les pouponnières, les crèches, les dispen saires et les asiles d’enfants. En sou tenant ces œuvres, nous ne faisons, en somme, qu’un acte d’égoïsme ; mais il y a un personnage souvent aussi désarmé que l’enfant et dont la misère est autrement lugubre, car elle n’intéresse personne, elle no plaît it personne : c’est le vieillard sans foyer et sans ressources. Celui-là pèse lourdement sur la société qui semble dire : — A quoi bon aider cet inutile à traîner une existence dont je n’ai rien à attendre V Laissons faire le froid, la faim, la congestion, les nuits do gelée... Ceci est une des conséquences de ce qu’on appelle le progrès. Je n’ai point vu de sociétés de sauvages où les...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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