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Le Petit Marseillais, 12 juillet 1899

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Le Petit Marseillais
12 juillet 1899


Extrait du journal

mœurs. Car il n’est pas vrai que la vue du sang soit un cordial ailleurs que sur le champ de bataille. Le grand développement des jeux barbares a toujours coïncidé avec une décadence. Savez-vous à quelle épo que de notre histoire les combats de bêtes féroces furent déjà à la mode ? Au déclin de la dynastie mérovin gienne tout plein des crimes de Frédégonde. Qui oserait comparer ces inutiles tragédies aux nobles spectacles dont la Grèce antique réjouissait les peu ples en honorant ses dieux? Aux luttes vraiment viriles qui y formaient les jeunes hommes à l’adresse et au cou rage, auxquelles l’austère Lycurgue conviait les vierges elles-mêmes, les pures vierges lacédémoniennes dont la tunique s’ouvrait jusqu’au haut de la jambe pour laisser toute leur liberté aux mouvements ? A ces cortèges radieux des panathénées où la chas teté de lys vivants se promenait sous des palmes frémissantes comme des étamines d’or? A ce calme épanouis sement de l’âme grecque au murmure d’une mer bleue, parmi la chanson des pasteurs et dans le parfum des violettes natales ? Je sais qu’il estde bon goût de railler aujourd’hui ce retour que tentèrent nos aïeux de la première République vers des solennités renouvelées de ces grands souvenirs. Loin de me sembler ridicule, ce mouvement des esprits et dos regards vers la terre où tout idéal avait fleuri et, entre tous, celui de la liberté, m’apparait superbe. Quels beaux mots flottaient, comme des étendards, au-dessus de ces fêtes vrai ment patriotiques ! Ceux qui devaient servir de programme à la jeune âme républicaine, ces mots augustes d’éga lité et de fraternité! C’est qu’un grand souffle d’humanité vraie passait alors sur le monde, que les poitrines fran çaises exhalaient avec les cris joyeux de la délivrance ! Oh ! ce rêve de nos aïeux de la Révo lution; ce rêve de douceur et de gran deur tout ensemble, comme il me paraît lointain en présence des appétits farouches et des égoïsmes déchaînés qui sont comme le bouillonnement impur de l’âme contemporaine ! Se peut-il qu’un siècle suffise à faire déchoir une race des sommets d’un tel idéal ? Nos ancêtres conviaient les foules aux nobles processions de la Liberté reconquise, de l’Egalité pro clamée, de la Fraternité débordante de tous les cœurs, aux cortèges radieux du Devoir et du Droit, de l’Art et de la Beauté dans la splendeur rajeunie des symboles. Pour les distraire des soucis de l’abaissement, pour les arracher aux saintes révoltes de la conscience, nous ressuscitons, pour elles, et nous empruntons aux races décadentes de tous les temps, les jeux sanglants et les spectacles cruels qui énervent les sens sans dresser, entre le ciel et nous, quelque noble image. Et, malgré moi, je pense au panem et circenses ! que criaient les Romains dégénérés et qui suffisaient à bercer, comme un chant de nourrices funèbres, des esprits mûrs déjà pour l’esclavage. ARMAND SILVESTRE....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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