Extrait du journal
Un érudit, M. André Fribourg, mem bre de la Société de l’histoire de la Révo lution française, vient d’établir, pour l’inscrire au catalogue des publications de cette société,, une édition critique des discours de Danton. Mais cette édition critique, telle qu’il l’a comprise et quel que attachante quelle soit, ne pouvait être qu’un instrument d’étude. Aussi, de celle-là, s'est-il avisé d’en tirer une autre dépouillée des annotations, additions et variantes qui constituent le principal mérite de la première et, par conséquent, plus accessible au grand public. C’est celle qui est sous nos yeux. Au moment où se rouvre la session parlementaire, ce livre me fournit l’occasion de rappeler ce qu’a été, dans notre pays, l’éloquence de la tribune.: A peine est-il besoin de dire que cette éloquence de la tribune ne date, chez nous, que de la Révolution. Avant la Révolution,la tribune n’existe pour ainsi dire pas. Tandis que, dans la chaire ou même au barreau, retentissent des voix dont les accents nous émeuvent encore, la politique, enfermée dans les limites étroites que lui a tracées le régime auto cratique, semble n’inspirer personne, ou, tout au moins, ceux qu’elle inspira dans le Parlement, dans les Etats-Généraux, dans les assemblées provinciales,ne nous apparaissent-ils qu’à l’état d’exception : les discours de la plupart d’entre eux ne sont pas arrivés jusqu’à nous, soit qu’on ait négligé de les recueillir, soit qu’ils soient restés ensevelis sous la pous sière des archives. Mais, avec la Révolution, tout change. Dans les Etats-Généraux d’abord, dans la Législative et la Constituante ensuite, dans la Convention enfin s’épanouit une gerbe d’orateurs véritablement incompa rable, dont la floraison resplendissante ne fut égalée dans aucun temps ni dans aucun pays. Ce n’est pas cependant que, dans l’antiquité, Rome et Athènes, et, dans les temps contemporains, l’Angle terre, ne nous aient montré des artisans de phrases à la taille de Mirabeau, de Maury^de Vergniaux, de Danton. Mai» l’éloquence de ceux-ci puise une beauté particulière, une chaleur plus ardente et plus communicative dans le caractère tragique des événements au contact des quels elle s’enflamme, et si nous sommes plus émus de leurs accents que de cer tains autres, si nous en restons plus pro fondément frappés, c’est que nous savons que, à l'heure où ils les ont prononcés, en se livrant sans retenue à la passion qui les animait, sans tenir compte des dan gers qu’ils couraient, la mort était déjà sous la tribune du haut de laquelle ils électrisaient leur auditoire. Il est donc vrai de dire que l’effet qu’exerce sur nous la parole des orateurs de la Révolution est en raison de la gravité des événements qui l’ont déchaînée et que, le plus sou vent, c'est de ces événements qu’elle tire l’imposante beauté qui nous la fait admirer. Danton lui-même est une preuve de ce que j’avance. G’cst un prosateur détes table. « Son style est d’une mauvaise époque », dit M. Lanson dans la préface qu’il a écrite pour cette édition des dis cours. Et rien n’est plus vrai. Le mau vais goût, une aspiration quasi ridicule au sublime antique, des images frénéti ques et sans art, voilà ce qui saute aux yeux à vouloir étudier de trop près son style et sa manière. Mais comme cela importe peu, si l’on songe que, avec et malgré tous ses défauts et toutes ses tares, celte parole est un tonnerre aux grondements duquel tout un peuple s’est soulevé, tonnerre si terrible que, après avoir fait tant de victimes, il a fini par foudroyer celui-là même qui le maniait. Et l’on pourrait en dire autant de Robespierre, plus rhéteur qu’orâleur, et dont la parole, comme celle de Saint-...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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