Extrait du journal

De plus en plus, les femmes s'adon nent aux œuvres d’assistance et c’est une •justice à leur rendre qu’elles ne suivent pas toutes les sentiers battus. Quelquesunes ont beaucoup d’ingéniosité ; elles s’efforcent de mieux venir en aide aux infortunés dont elles s’occupent. C’est ainsi que, sur le domaine de l’aide aux mères, on leur doit des initiatives assez curieuses, telles que celles des cantines maternelles. Mme Henry Coullet a été la première à organiser un restaurant gratuit pour mères-nourrices et d’autres initiatives, plus ou moins dissemblables, ont suivi la sienne. Le mérite de la promotrice n’est pas diminué par la valeur des filiales qui se sont créées et qui ont pris une forme différente. Le principe est celui-ci. Au lieu d’al louer un secours en argent, qui, parfois, est détourné de sa destination, l’assis tance alimentaire est accordée sur place. •Voici en quels termes la cantine mater nelle du 18e arrondissement définit son programme : « Nos tables sont ouvertes à toutes les mères qui se présentent ; nous ne leur demandons rien, rien que de montrer qu’elles ont du lait. » La plupart de ces convives ne viennent se restaurer que le matin, parce que le soir elles se nourrissent en famille. Et c’est ici qu’apparaît une des objections fondamentales faites à l’adoption du sys tème. En thèse générale, il n’est pas bon de recourir à un procédé qui sépare les deux conjoints, et mieux vaut donner l’aide familiale qui profite à tous et ne sépare pas l’un de l’autre les deux époux. Malheureusement, il est des cas gra ves où la femme est délaissée, d’autres où le mari est sans ouvrage,d’autres enfin où le chef de famille est malade ou con valescent. La gamme des misères est si variée que toutes les hypothèses, les plus tristes, les plus navrantes, aboutissent à des réalités. On pourrait citer, sans en épuiser la liste, toute une série de cas individuels qui comportent le recours à des moyens exceptionnels d’assistance en faveur des nourrissons. En effet, dans cette catégorie de femmes assistées, la nourriture offerte gratuitement à la mère, pourvu que céllè-cl allaite, assure l’alimentation d’un petit être, c'est-à-dire son salut. L’aide alimentaire fait coup double ; elle profite à la mère et au nour risson. Les cantines maternelles ne font aucune enquête ; elles admettent d’em blée les candidates à la soupe, à la fois parce que le seul témoignage exigé est celui du poupon et parce que, dans la pensée de leurs administratrices, le besoin seul peut amener les mères à leurs tables. Et leur argumentation est celleci : c’est que, même en cas d’abus, de fraude, le nourrisson, lui, n’est pas dupé. Le menu, d’ailleurs, pour être substan tiel, n’a rien de luxueux. Le déjeuner, par exemple, se compose, tel jour de la semaine, d’une soupe de pain trempé d’eau de haricots, de rôti de cheval, de pommes de terre frites, et le dîner de la même journée comprend du bouillon d'os et légumes au vermicelle, des pommes de terre au lard avec des navets. A la cantine de Grenelle, le prix moyen du repas a été, pendant l’année dernière, de 0,37 centimes et demi. On voit avec quelle économie sévère ces établisse ments son gérés. Par une heureuse innovation,en grande partie due à Mme Pierre Budin et à ses amies, la cantine maternelle s’est dou blée d’une consultation de nourrissons. Une fois par semaine, obligatoirement, tous les bébés des mamans qui fréquen tent la cantine sont pesés, surveillés, au grand profit de leur hygiène et de leur santé. Grâce aux conseils qu’elles reçoivent du médecin, grâce aussi aux dames pa tronnasses qui assistent aux consulta...