Extrait du journal

Alexandrie, le 10 décembre. On nous avait dit : « Attention ! La Médi terranée est aussi perfide que belle ; lorsque vous aurez passé Messine, vous aurez du bouillon !» Ah ! Je les retiens les prophètes qui voulaient, à l’avance, nous donner le mal de mer ! Depuis les îles Lipari, calme plat jusqu’à Alexandrie ! Au départ, le mistral semblait vouloir nous bercer. Au fait, il n’est si grand navire qui ne soit obligé de céder à la lame ; mais, en somme, on ne s’en aperçut guère., La fièvre du départ, le déjeuner dans la grande salle à manger blanche et or, ou prennent place plus de trois cents passagers, tout cela dis trait, et lorsque, plus tard, on monte sur le pont pour voir défiler les côtes de Provence, on ne songe qu’à admirer le bleu profond de la mer et le bleu léger des collines de Tou lon, devant lequel Sicié étale sa masse cou leur de bronze. Sur notre droite, le soleil descend dans une barre de nuages dorés : la mer s’irise et les flocons d’écume que soulève notre sillage se résolvent en arcs-en-ciel. L’air est frais ; on aspire à pleins poumons. Que nous voilà loin de notre vie de tous les jours ! M. Pierre Baudin, député et ancien minis tre, ne songe guère en ce moment à la poli tique ; et si M. Maurice Barrés, de l’Acadé mie française, cause avec M. Gustave Théry, du Matin, soyez sûr qu’il n’est pas question de M. Chaumié. Notre éminent confrère M. Paul Adam, secouant sa tête de conquistador, nous fait part de ses rêves ; il veut aller jus qu’au Nil bleu, où l'on voit des troupeaux de milliers d’éléphants détruire sur leur pas sage des forêts entières ; il veut monter jus qu’aux Grands Lacs, franchir le Zambèze et revenir par le Cap. M. Pierre Laffitte pense que cela ferait de la bonne copie pour Je sais tout. MM. Jules Muret, du Figaro, et Galtié, du Temps, qui ont fait bien d’autres voya...