Extrait du journal

tout le long des bouches, peu à peu, le silence descendit, se fixa. Et dans ce silence, contre le dos des hommes, tout près, un souffle se mit à râler, la respiration puissante d’une vie obscure, immobile, énorme. Mais aucune tête ne se retourna. On savait... Soudain un trait de feu raya l’hori zon. Vers ce rayon rose, un cri jaillit du carré. Le chant d’un coq. A ce frais signalée matin s’illumina. Grandissant comme un regard, le jour descendit des monts, inonda la plaine, accourut au régiment et passa sur lui. Merveille ! Derrière les palissades vibrantes des fusils, quatre rangs de charrettes s’adaptaient aux faces du carré, pleines qe gerbes d’or et de tonneaux, toute une moisson et toute une vendange. Sur ces charrettes, les syndics de Bondenthul étaient assis, vieux, graves, décidés. Dans le cercle de ces voitures, un entassement de vie animale meuglait, bêlait et piailliail. Line centaine de bœufs et de vaches, de chèvres, de moutons et d'ânes, les pattes embarrassées de poules, se pressaient, pacifiques, comme un jour de foire. Le régiment avait l’air d’une ferme. Tout le village était dans le carré ; ses chefs, son blé, son vin, son lait, sa richesse ; la grande patrie en petit, menacée, accourue vers ses enfants, appuyée au double mur de leurs cœurs et de leurs fusils. Et lorsque l’ennemi sc montra tout près, lancé en trois formidables char ges contre le carré, il y eut quand même de l espérance dans la voix du vieux colonel : — Feu de rang par divisions ! Com mencez les Jeux! G. D’ESPARBÈS....